Togo : Syndicats et société civile engagés pour un accès adéquat à des soins de santé pour tous

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(Société Civile Médias) – Au Togo, des syndicats et organisations de la société civile plaident pour des investissements plus accrus et stratégiques dans le secteur de la santé, afin de garantir un accès adéquat à des soins de santé abordables et de qualité pour tous les citoyens. Alors que le pays fait face à de nombreux défis sanitaires, ces organisations estiment qu’il est nécessaire de recueillir des témoignages et des propositions des communautés locales pour améliorer le financement et l’accès aux soins de santé. A Lomé, une rencontre d’échange a été organisée dans ce sens avec des leaders communautaires, les patients et les prestataires de santé du village d’Adamavo le lundi 24 juin 2024.

La rencontre se situe dans le cadre de la campagne « Les syndicats et les organisations de la société civile plaident en faveur de la gouvernance démocratique et de la responsabilité dans le secteur de la santé en Afrique de l’Ouest ».

Menée du 1er avril au 30 Juin 2024 en Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Sierra Leone, Nigeria, Sénégal et Togo, cette campagne vise à promouvoir l’augmentation des investissements dans le secteur de la santé afin de garantir un accès adéquat à des soins de santé abordables et de qualité aux travailleurs et à leurs familles dans la sous-région ouest-africaine.

Lors des échanges avec la représentante du SYNPHOT

 « Les pays d’Afrique de l’Ouest, y compris le Togo, font face à de nombreux défis en matière de soins de santé. Parmi ces défis figurent le manque de financement, des infrastructures insuffisantes, le coût élevé des soins de santé et la pénurie de personnel qualifié. Au Togo, la situation est particulièrement préoccupante avec des équipements souvent obsolètes, un manque de personnel qualifié et un budget annuel de la santé toujours insuffisant (loin des 15 % stipulés par la Déclaration d’Abuja). Les récentes crises sanitaires ont aggravé ces problèmes, révélant des disparités sociales et des inégalités de revenus qui compliquent l’accès équitable aux services de santé. Il est crucial de reconnaître que la santé est un pilier fondamental pour le développement durable des économies et des sociétés. Par exemple, la santé des travailleurs a un impact direct sur leur productivité. À travers cette campagne, nous visons à réaliser les dividendes démocratiques en augmentant le financement des soins de santé et en élargissant l’accès à ces services pour toucher un plus grand nombre de personnes en Afrique de l’Ouest, en particulier au Togo. Nous appelons à des efforts concertés pour moderniser les infrastructures, former et retenir le personnel de santé et garantir un financement adéquat afin de répondre aux besoins de santé de la population togolaise », explique Antoine ZEKPA, Coordonnateur National de People’s Health Mouvement Togo (PHM Togo), une des organisations togolaises partenaire de mise en œuvre de la campagne.

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Parmi les actions prévues dans le cadre de la campagne, figure l’identification des principaux défis liés à la santé rencontrés par les communautés locales. Il s’agit d’organiser avec les membres des dites communautés et des leaders communautaires des discussions de groupe et séances de sensibilisation. L’idée est de recueillir, à travers un dialogue constructif, leurs témoignages sur les difficultés que leurs populations ont à avoir droit aux soins de santé et leurs propositions pour relever ce défi et améliorer le financement en matière de santé. Un travail auquel s’est attelé le PHM Togo, le PSI (Public Service International) et le SYNPHOT (Syndicat National des Praticiens Hospitaliers du Togo), autres organisation partenaire de la campagne. C’était le lundi 24 juin dans le village d’Adamavo (banlieue sud de Lomé) en présence du personnel du centre, du chef du quartier et des responsables de Comités Villageois de Développement (CVD), de Comités de Développement de Quartiers (CDQ). et de Comité de Gestion (COGES) du CMS Adamavo.

Vue, en partie, des participants à la séance

La rencontre a permis d’une part d’éclairer les membres de la communauté sur comment jouir de leur droit à la santé.

« Jouir de leur droit à la santé signifie qu’ils doivent avoir un centre de santé dans le quartier. Dans ce centre, on doit avoir du personnel qualifié capable de bien les soigner et le plateau technique nécessaire pour leur assurer des soins de qualité. Nous n’avons pas oublié de les sensibiliser sur la manière dont ils doivent se comporter pour avoir une relation harmonieuse avec le personnel de santé. Quand ils arrivent au centre à la suite d’un problème de santé ou viennent avec un proche qui est dans le cas et se retrouvent sans lit, ils doivent comprendre que cette situation n’est pas de la faute du personnel soignant mais relève d’un autre niveau », explique Kekeli AZANLEKO, représentante du SYNPHOT à la rencontre.

D’autre part, les discussions ont permis aux participants de partager leurs expériences personnelles et les principaux obstacles rencontrés en ce qui concerne l’accès aux soins de santé. Manque de moyens financiers pour se faire soigner en cas de maladie en raison du coût élevé des soins de santé, manque d’équipements sanitaires dans les centres de santé et infrastructures insuffisantes, pénurie de personnel soignant qualifié, diverses difficultés ont été évoquées.

Par ailleurs, une bonne partie des échanges a porté sur l’Assurance Maladie Universelle (AMU) et les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ce mécanisme effectif au Togo depuis janvier 2024. En plus du taux de prélèvement de 5% jugé trop élevé par beaucoup de travailleurs, les participants au dialogue se sont plaints de la gestion défaillante de l’AMU, malgré les prélèvements effectués depuis plus de cinq mois. Une gestion marquée par des retards considérables, notamment la distribution limitée des cartes d’assurés.

« Nous reprochons beaucoup de choses à l’AMU. On nous a dit que l’assurance a commencé, on s’est inscrit et depuis on nous fait des prélèvements depuis des mois sans qu’on ne bénéficie des services. Pourtant, on a fourni tous les dossiers, mais on n’a pas la carte. On ne cesse de nous répéter que le traitement est en cours. Pendant ce temps, on paye la totalité de nos traitements et ceux de nos enfants alors qu’on nous prend de l’argent », déplore un travailleur.

Face aux difficultés, d’autres participants à la rencontre estiment que l’Etat aurait dû se fixer un temps de transition pour mieux affiner les contours de l’initiative afin de la mettre en œuvre sans problème.

« Nous n’avons même pas été informés de quoi que ce soit. On nous a juste annoncé en novembre 2023 que l’AMU commence en janvier 2024 et voilà qu’on se retrouve dans des difficultés. On avait pourtant une belle assurance avant l’avènement de l’AMU mais nous ne pouvons plus en bénéficier désormais. Nous ne sommes pas contre l’AMU, mais tout ce que nous demandons, c’est que les choses aillent plus vite pour que nous puissions effectivement commencer à en bénéficier », propose un fonctionnaire.

Tout en saluant l’organisation de ces discussions de groupe et les organisations initiatrices, le chef quartier Tokpokopé (l’un des quartiers du village d’Adamavo) espère que ces échanges contribueront à donner aux travailleurs et aux membres des communautés marginalisées un pouvoir et une position de négociation leur permettant de demander des comptes aux institutions de soins de santé et aux autorités.

A noter que la campagne est organisée au Togo grâce au soutien de PSI (Public Service International), Solidarity Center et OTUWA (Organization of Trade Unions of West Africa).