(Société Civile Médias) – En vue d’améliorer les conditions de vie des populations togolaises, le Gouvernement s’appuie sur plusieurs leviers de développement. Le Projet de réformes foncières pour l’accroissement de la productivité agricole (LRAP) est l’un de ces leviers. Lancé en 2022, le projet LRAP mène, depuis, des actions visant à appuyer le Gouvernement togolais dans la poursuite de son processus de réformes foncières en vue d’améliorer le régime foncier en général et celui rural en particulier, avec un impact significatif sur le secteur agricole. Sur le terrain, les avantages du projet se font ressentir.
Au Togo, l’une des ambitions de la feuille de route gouvernementale 2025 est de faire de l’agriculture un véritable moteur de croissance et de création d’emplois. Il s’agit d’œuvrer pour plus d’investissements dans ce secteur et une meilleure productivité agricole pour une pleine participation de l’agriculture à la croissance économique et au bien-être des populations.
Malheureusement, la réalisation de cette vision est compromise par un défi majeur, celui de la sécurisation des terres. Un problème qui se pose dans plusieurs localités du pays, dont le village de Kaboli situé à 90 km à l’est de Sokodé (350 km au nord de Lomé).
« La difficulté majeure est que dans notre village, les parcelles de terres n’appartiennent pas à une seule personne mais à différentes collectivités. Lesdites collectivités étant toutes limitrophes, il se pose un problème sérieux de délimitation des parcelles de terrains et les litiges fonciers portent sur la délimitation des parcelles », explique Ilè-Enè ATTI, régent de Kaboli.
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Dans leurs efforts pour trancher ces litiges, les autorités administratives et traditionnelles locales font souvent face à des réalités historiques, culturelles et sociologiques qui rendent le sujet délicat à traiter malgré les prorogatifs qui leur sont dévolus. Des difficultés que relève Issaka LAGUEBANDE, Préfet de Tchamba.
« Il s’agit surtout des questions liées aux limites des parcelles, des domaines où une ou deux collectivités, des fois voire trois, peuvent ne pas se mettre d’accord sur les limites de ces parcelles. Là, il s’agit aussi de la question du droit d’exploitation des terres entre, d’une part, les autochtones et, d’autre part, les allogènes. Et on peut aussi avoir cette question de droit d’exploitation entre les agriculteurs et les éleveurs. Tout compte fait, ce qu’il faut relever, c’est que cette question foncière est la source de tension sociale, de litige voire même de conflit », déplore l’autorité locale.
Le projet LRAP pour apporter des solutions
En réponse à ces problèmes, le Gouvernement togolais a initié le projet de réformes foncières pour l’accroissement de la productivité agricole (projet LRAP). Démarrée en août 2022 pour une durée de 4 ans et d’un budget de 8 millions de dollars, l’initiative est financée par les Etats-Unis et mise en œuvre par l’organisme de mise en œuvre du Millennium Challenge Account au Togo (OMCA-Togo).
« Le LRAP est un projet de réformes foncières qui a été élaboré par le Gouvernement togolais sous-financement de la Millennium Challenge Corporation, qui est une agence de développement américaine. Le projet est l’un des deux du programme Seuil qui comporte le projet de concurrence accrue au bénéfice des consommateurs, régulation indépendante, et accès élargi dans le secteur des TIC (Projet TIC) et le projet de réformes foncières pour l’accroissement de la productivité agricole (LRAP », explique Kossigan TOBI, Directeur du projet LRAP.
Ce projet est marqué par deux phases majeures. La première phase, appelée période de base, a été mise en œuvre entre août 2022 et septembre 2023 et a consisté à former les parties prenantes et à concevoir des plans de mise en œuvre des 4 méthodologies foncières.
« Le document qui reste une référence en termes de sécurisation foncière, c’est le titre foncier.
Le Gouvernement a fait beaucoup d’effort en termes de réduction des délais pour l’obtention de ce document. Nous pensons que, dans les milieux ruraux, il est nécessaire de passer à un document intermédiaire pour permettre à nos paysans d’avoir un document à titre de droit de propriété intermédiaire, différent dans un premier temps du titre foncier. Cette dynamique va créer un écosystème bénéfique aux populations, pour que nous puissions produire davantage sur un espace sécurisé. Le Gouvernement veut aider les communautés en se transportant vers elles pour les aider à avoir un document sur leur terrain. Ce faisant, ces communautés pourront permettre la mise en valeur de ces espaces en termes de production agricole », fait savoir Kodzo ADEDZE, Ministre d’Etat, ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Réforme foncière.
La second phase du projet LRAP, qui a débuté en octobre 2023, consiste à développer et tester sur le terrain des approches, instruments et outils efficients pour sécuriser les droits fonciers coutumiers. Dans les détails, il s’agit de démontrer sur le terrain les méthodologies pratiques d’enregistrement et de gestion des terres qui réduisent les coûts, les exigences en matière de temps et rendent les services fonciers plus accessibles aux paysans locaux qui ne demandent que la protection formelle de leurs droits fonciers coutumiers. Kossigan TOBI, Directeur du projet LRAP, décline les différentes méthodologies à utiliser à cet effet.
« La première méthodologie, c’est l’identification et la cartographie des droits liés aux parcelles. On va, dans un premier temps sur les parcelles pour identifier les propriétaires, connaitre leurs superficies et faire les levés topographiques. La deuxième méthodologie, c’est la gestion de l’information foncière. Quand nous allons identifier et cartographier les droits liés aux parcelles, on va mettre ces informations dans une base de données qui sera, au niveau local, accessible à la population et connecté au niveau central. La troisième méthodologie consistera à procéder à l’enregistrement de ces parcelles et délivrer, à la fin, un acte qui soit proche de la population. Enfin, la quatrième méthodologie consistera à mettre en place un système de gestion des conflits fonciers », informe M. TOBI.
Pour la période de conception de ces outils et procédures, l’équipe de VNG International (VNGI), le cabinet d’assistance technique constituée d’experts en systèmes d’information foncière, en cartographie et géoréférencement des parcelles, en enregistrement des droits fonciers, en gestion des conflits fonciers, en genre et inclusion sociale et en sauvegarde environnementale et sociale, a procédé au prétest d’optimisation des procédures foncières dans la commune de Tchamba 3 (préfecture de Tchamba).
D’après Aurel DJOGGBENOU, Expert en cartographie, SIG et Géoréférencement, l’un des gros problèmes auxquels l’équipe a été confronté est un conflit qui date des années 1970. Ce conflit oppose trois collectivités.
« L’une des toutes premières approches que nous avons utilisée dans le règlement de ce conflit, c’est le dialogue. Juste après l’étape de dialogue, nous avons convié les trois collectivités à marcher sur leurs limites et l’une des technologies que nous avons introduites dans ce domaine, c’est qu’on a conçu une application qu’on a déployé sur des smartphones spécialement fabriqués pour ça, et on a remis ça à chaque collectivité pour aller marcher sur les limites de leurs collectivités. Et une fois que ça a été fait, chaque collectivité a ramené ce qu’ils pensent être les limites de sa collectivité et après cet exercice, nous avons été à la restitution. A la suite de cette séance de restitution, nous avons continué le dialogue, en conviant à une table ronde les chefs coutumiers, les chefs traditionnels, le régent, le représentant du maire, le président de la commission des affaires domaniales de la mairie. Ceci nous a permis de discuter de la question. Donc, chaque famille, sa collectivité se sont engagées dans un processus de dialogue, à céder une partie de leur parcelle pour que la paix et la cohésion sociale puissent régner dans la localité, et pour pouvoir réunir les familles davantage. C’est à la suite de cela que le comité s’est réuni et a proposé un redécoupage des limites. Quand le comité a redécoupé les limites de ces collectivités, on est revenu sur le terrain pour voir la faisabilité pratique de ce redécoupage, une fois que nous avons constitué tous ces éléments, nous sommes encore allés auprès des collectivités pour la restitution afin de recueillir leurs avis et trouver des consensus. A chaque fois qu’on trouve un consensus, les deux collectivités s’entendent, creusent un trou et mettent les bornes dedans », raconte Aurel DJOGGBENOU.
Dans cette démarche, les experts ont fait une immersion au sein des communautés pour coconstruire avec les acteurs du foncier les outils devant permettre l’élaboration de textes d’application du Code foncier et domanial, produits finaux de la mise en œuvre du projet LRAP. Un travail dont se réjoui Ilè-Enè ATTI, régent de Kaboli.
« Grâce à l’intervention de LRAP, certaines parcelles de terrains sont délimitées et les collectivités concernées connaissent désormais les limites de leurs domaines fonciers. Nous prions les autorités de bien vouloir poursuivre cette initiative pour qu’à terme les litiges fonciers entre collectivités limitrophes cessent définitivement », suggère-t-il.
A noter que le projet LRAP intègre le genre et l’inclusion sociale de sorte à supprimer toutes les barrières économiques et sociales afin de s’assurer que les personnes vulnérables que sont les femmes dans leur diversité, les jeunes et d’autres groupes exclus aient l’accès à la terre et son contrôle pour réaliser leurs activités agricoles de manière sécurisée et durable. Pour se faire il établit un dialogue entre les utilisateurs et les propriétaires terriens, les collectivités et les membres de famille et entre les ménages afin de déconstruire les normes de genre préjudiciables à l’accès et au contrôle de la terre par les femmes.
A terme, le projet LRAP vise à contribuer à l’élaboration de décrets d’application du code foncier et domaniale en vue de de faciliter la sécurisation du foncier en milieu rural avec des processus moins complexes et moins couteuses pour la majorité des populations.
« Aux sorties de l’exécution du projet LRAP, il est escompté que les attentes légitimes des acteurs de l’écosystème du foncier, de l’agriculture, de l’investissement agricole et de l’industrialisation du pays, trouvent satisfactions à la hauteur de l’importance du défi que constitue le foncier dans la politique de développement socioéconomique du pays », rappelle Kodzo ADEDZE, Ministre d’Etat, Ministre de l’Urbanisme, de l’habitat et de la réforme foncière.