Interruption volontaire de grossesse (IVG) : jusqu’où va ce droit ?

Essi Brenda
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(Société Civile Médias) – Le 28 septembre est la journée internationale du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Bien que ce droit gagné de haute lutte grâce aux revendications féministes réclame le statut de “journée internationale”, tout est parti d’une volonté nationale émanant du gouvernement français de faciliter l’accès à l’avortement dans des conditions légales et assurer le caractère anonyme de cette décision. Ce droit issu de la loi Veil dépénalisant l’avortement a été adopté en France en novembre 1974, et est entré en vigueur le 17 janvier 1975 alors que Simone Veil était ministre de la Santé du gouvernement Chirac sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing.

Cependant, l’histoire de l’avortement remonte à l’Antiquité. L’interruption volontaire de grossesse (IVG) était déjà pratiquée depuis des siècles dans toutes les sociétés du monde de manière traditionnelle et les techniques (lavement évacuateur avec des plantes spéciales, breuvages abortives, usages d’objets pointus ou tranchants ou pression abdominale) sont transmises de façon intergénérationnelle.

Jusqu’aujourd’hui, dans les régions du monde où l’avortement est interdit et stigmatisé, des femmes s’avortent elles-mêmes en usant de divers moyens non sécurisés, parfois au péril de leur vie.

Ces pratiques ainsi que les conditions dans lesquelles l’avortement était effectué ne garantissaient pas toujours une réussite de l’opération ; les conséquences sont parfois fatales pour les femmes qui y ont recours.

« C’est mon corps, c’est mon choix, c’est ma vie ! »

À la fin des années 2010, une cinquantaine pays autorisent l’avortement « sans condition » alors que dans d’autres pays, ce droit est autorisé sous certaines conditions : lorsque la vie de la femme en danger, en cas de viol ou d’inceste, en cas de malformation du fœtus.

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Pour Dr Alain Domercs, Administrateur de l’Association Nationale des Centres d’IVG et de Contraception en France, cité par la1ere.francetvinfo.fr : « l’IVG c’est aussi un choix. Parce qu’on vient d’avoir un emploi, parce qu’on est dans un couple instable, qu’on vient d’avoir un enfant et qu’on n’en veut pas un autre, parce qu’on veut une vie sans enfant. Il y a 1000 raisons pour faire une IVG. Ce choix c’est le choix d’un couple mais avant tout le choix d’une femme qui choisit de ne pas garder un enfant qu’elle ne souhaite pas, c’est un droit essentiel ».

La légalisation du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) a ouvert la voie à la vulgarisation des méthodes médicalisées d’avortement, soit médicamenteuses ou chirurgicales, avec des possibilités d’accès et de sécurité qui diffèrent selon les contextes.

L’avortement est un soin de santé

Même en France où tout a commencé, « le droit à l’avortement existe dans les textes mais n’est pas effectif : les conditions ne sont pas réunies pour que les personnes puissent pleinement l’exercer. C’est un droit proclamé mais mal garanti par l’État », dénonce Alice Bordaçarre, responsable du bureau Droits des femmes et égalité de genre de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH).

En Tunisie par exemple, pays pionnier en matière de droit à l’avortement en Afrique, un demi-siècle après la légalisation de l’IVG, la réalité du terrain marquée notamment par la pénurie des médicaments, le conservatisme social même jusqu’au sein du corps médical, les disparités régionales entre autres, indique que du chemin reste encore à faire.

Alors que l’Organisation mondiale de la santé rappelle que l’interdiction de l’avortement pousse à le pratiquer dans des conditions dangereuses, il est important de préciser que la légalisation du droit à l’avortement dans certains pays du monde ne garantit pas forcément l’accès à un avortement sécurisé à toutes les femmes qui y vivent et ne constitue pas pour autant une solution à une baisse de la mortalité maternelle due à l’avortement à risque.

Il existe d’autres contraintes notamment quand la femme enceinte vit dans un milieu très isolé et n’a pas accès à l’avortement médicalisé ; les raisons socioéconomiques ; les pesanteurs sociales ; les obstacles liés à l’âge, à la situation professionnelle ou familiale ou aux difficultés financières entre autres.

Peu nombreuses sont celles qui disposent de moyens pour se rendre dans des endroits où l’avortement est légal, ou prennent des médicaments sûrs approuvés par l’OMS pour mettre fin à leur grossesse.

Obstacles au droit à l’avortement

En général, la religion ainsi que les règles de morales constituent cependant un frein au droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Les Églises chrétiennes dans leur grande majorité condamnent fermement l’avortement.

Qu’en est-il du droit à la vie ?

Il y a seulement quelques jours, le Pape François en visite au Vélodrome de Marseille les 22 et 23 septembre 2023 faisait allusion lors de son homélie aux personnes qui, en raison de leur situation financière, renoncent à faire naître des “créatures nouvelles”, ainsi que “les enfants pas nés, refusés au nom d’un faux droit au progrès qui est en fait une régression”.

SSR et droits connexes

On ne peut parler de droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) sans mentionner le droit d’accès aux méthodes contraceptives. « La proportion de grossesses non désirées se terminant par un avortement illustre la force de la volonté de millions de femmes et d’adolescentes d’éviter une grossesse non planifiée », indique Jonathan Bearak, chercheur principal à l’Institut Guttmacher et auteur d’une étude conjointe avec l’OMS sur les inégalités majeures dans l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive.

La santé sexuelle et reproductive ainsi que les droits connexes sont un élément essentiel de la couverture sanitaire universelle. Garantir l’accès aux droits liés à la santé sexuelle et reproductive constitue un défi majeur dans le cadre de la lutte contre les discriminations à l’égard des femmes et des filles.

Il est urgent d’investir de manière équitable dans des soins complets de santé sexuelle et reproductive, et de sensibiliser les pouvoirs publics sur la mise en œuvre des nouvelles lignes directrices de l’Organisation Mondiale de la Santé pour des soins vitaux et des services d’avortement de qualité dans tous les pays du monde.