Togo : Le CACIT demande une suite judiciaire pour l’affaire des incendies des marchés de Lomé et de Kara survenus en 2013

Société Civile Médias
8 Min Read

(Société Civile Médias) – Alors qu’une enquête a été ouverte pour situer l’opinion sur l’origine du récent incendie qui a ravagé le marché d’Agoè-Assiyéyé à Lomé, le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) saisit l’occasion pour interpeller les autorités judiciaires sur les cas des incendies des grands marchés de Lomé et de Kara, survenus il y a presque 11 ans. Dans une lettre ouverte adressée aux Procureurs de la République près les tribunaux de grande instance de Lomé et de Kara, le CACIT rappelle que les informations judiciaires qui ont été ouvertes en janvier 2013 dans l’affaire desdits incendies arrivent à prescription légale dans ce mois de janvier 2024. Tout en s’inquiétant du fait que « Conformément à la loi, passé ce délai, toute action en justice dans le cadre de cette affaire sera frappée de la prescription extinctive », cette organisation en appelle à la responsabilité des deux procureurs pour qu’une suite soit donnée à cette affaire « dans le respect des délais légaux et avant toute prescription ». Voici, ci-dessous, l’intégralité de la lettre ouverte adressée aux deux procureurs de la République

LETTRE OUVERTE DU COLLECTIF DES ASSOCIATIONS CONTRE
L’IMPUNITÉ AU TOGO (CACIT) A MESSIEURS LES PROCUREURS DE LA
RÉPUBLIQUE PRES LES TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE DE LOME
ET DE KARA

OBJET : Renvoi en jugement des dossiers dans les affaires des incendies des marchés de Lomé
et de Kara en 2013

- Advertisement -

Messieurs les Procureurs de la République,

A l’orée de cette nouvelle année, le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) vient, par la présente, vous adresser ses meilleurs vœux à vous-mêmes, à vos collaborateurs ainsi qu’à vos familles. Elle vous souhaite aussi plein succès dans vos missions pour la garantie des droits des citoyens au Togo.

A ce titre, il nous semble important de vous rappeler les dossiers des incendies de Lomé et de Kara de 2013 qui demeurent à ce jour sans suite. En effet, des incendies « d’origine criminelle » avaient ravagé les deux plus importants marchés du Togo, successivement le marché de Kara dans la nuit du 09 au 10 janvier 2013 et le marché de Lomé dans la nuit du 11 au 12 janvier 2013. De mémoire, une information judiciaire avait été ouverte aux lendemains de ces incendies par les Procureurs de la République de ces deux (02) villes pour faire la lumière sur les circonstances de ces drames. Plusieurs interpellations et placements en détention s’en sont suivis. C’est dans ces conditions que l’une des personnes arrêtées, Etienne YAKANOU, trouvera la mort le 16 mai 2013.

A ce jour, dix ans après l’ouverture de l’information judiciaire, aucune suite officielle n’a été donnée à ces affaires. Même si la gravité et la complexité des faits peuvent expliquer la longueur d’une information judiciaire, la procédure pénale n’en reste pas moins encadrée par des délais stricts et prescriptibles. Pour prévenir des procédures judiciaires trop longues, le code de procédure pénale togolais dispose en son article 7 : « L’action publique est prescrite si l’infraction n’a pas été déférée à la juridiction de jugement par citation ou ordonnance de renvoi dans un délai partant du jour où elle a été commise fixé à : – dix ans en matière de crime, – cinq ans en matière de délit, – un an en matière de contravention. ». Le même article
précise que « Ce délai est prorogé d’un an en matière criminelle et six mois en matière correctionnelle si l’instruction ouverte avant son expiration n’est pas achevée. ».

Messieurs les Procureurs de la République,

Les informations judiciaires qui ont été ouvertes en janvier 2013 dans l’affaire desdits incendies arrivent à prescription légale dans ce mois de janvier 2024. Conformément à la loi, passé ce délai, toute action en justice dans le cadre de cette affaire sera frappée de la prescription extinctive. Notre organisation dont le leitmotiv est la lutte contre l’impunité juge important d’attirer votre attention sur cet état de fait pour assurer la protection du droit à un procès équitable et à la garantie de la justice pour tout citoyen. Le renvoi en audience des conclusions des informations judiciaires qui ont été ouvertes devrait permettre de faire la lumière sur ces incidents malheureux, révéler les auteurs et les sanctionner conformément à la loi. Cette démarche aura aussi le mérite, en application du principe de la présomption d’innocence de démontrer si les personnes placées en détention dans le cadre de cette affaire font partie des coupables et le cas échéant envisager des réparations. Elle permettra également aux mis en cause qui seront jugés non coupables de laver leur honneur et de garantir leur intégrité. La prescription pénale, encore dit “oubli
judiciaire”, ôtera aux milliers de victimes occasionnées et à l’ensemble des justiciables togolais, le droit de connaître la vérité sur ces faits graves à tendances répétitives et de consolider les mécanismes pour leur non répétition.

En effet, le marché d’Agoè-Nyivé a été victime d’un incendie dans la nuit du 21 au 22 décembre 2023, faisant près de six milles commerçants sinistrés à quelques jours des fêtes de fin d’année. Suite à cet incident, nous avons appris dans le communiqué du gouvernement en date du 22 décembre 2023, qu’une enquête a été ouverte par la gendarmerie pour faire la lumière sur les causes de l’incendie. Dans la même période, un autre incendie est également survenu à Kara.

Messieurs les Procureurs de la République,

Notre organisation en appelle à votre responsabilité, en tant que garant du respect de la loi, pour qu’une suite soit donnée aux informations judiciaires ouvertes dans le respect des délais légaux et avant toute prescription. L’histoire retiendra vos implications pour le renvoi aux assisses de ces deux (02) dossiers, en vue de faire droit aux victimes de ces incendies, de situer les personnes inculpées ou détenues dans ces affaires, ainsi que leurs familles, afin de renforcer la confiance des justiciables togolais dans les institutions judiciaires, de briser définitivement le cycle de l’impunité.

Fait à Lomé, le 03 janvier 2024

Le Président du Conseil d’Administration
Me Claude Kokou AMEGAN


Ampliation :

  • Présidence de la République
  • Primature
  • Commission Nationale des Droits de l’Homme
  • Ministère de la justice et de la législation
  • Ministère des droits de l’Homme, de la formation à la citoyenneté, chargé des relations avec les Institutions de la République
  • Inspection générale des services juridictionnels
  • Parquet général de Lomé
  • Parquet général de Kara

Cliquez sur le lien ci-dessous pour télécharger la lettre ouverte

LETTRE OUVERTE CACIT MARCHES LOME ET KARA