INTERVIEW: Sena Alouka «Une société civile togolaise plus organisée pour la mise en œuvre du PND»

luzdelsol668
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(Société Civile Média) – Actuellement en cours d’élaboration, le Plan National de Développement (PND) viendra remplacer d’ici peu la Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi (SCAPE). Sa mise en œuvre permettra au Togo d’atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD), la nouvelle feuille de route adoptée par les Nations Unies pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous. Dans cette interview accordée à l’Agence Société Civile Média, Sena Alouka, Directeur exécutif de l’ONG JVE International, se confie sur ce nouveau programme. Il parle également du rôle important que joue la société civile togolaise dans son élaboration et sa mise en œuvre. Lecture !

 

Mr Sena Alouka, depuis un temps on parle du Plan National de Développement (PND). Des séminaires et ateliers sont organisés en vue de son élaboration et de sa mise en œuvre. Le PND, dites-nous, qu’est-ce que c’est au juste ?   

Le PND est un document stratégique de gestion des affaires de la cité, un instrument de planification dans la durée. Cette fois-ci, il se fera conformément aux Objectifs de Développement Durable fixés la dernière fois à New York. Ces objectifs s’inscrivent dans le cadre de l’agenda 2030 des Nations Unies et son paragraphe 88 insiste sur la participation de la société civile et définit bien tous les contours de cette participation.

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Maintenant, est-ce que la société civile togolaise prend déjà des dispositions pour son implication réelle dans ce programme ?

En tant qu’OSC et citoyens organisés, nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas attendre l’Etat ou attendre que le cadre soit crée. Nous avons donc essayé de créer le cadre nous-mêmes pour pouvoir nous approprier les ODD et ensuite le PND qui est en cours et voir comment nous pouvons contribuer à sa réussite. C’est ainsi que nous avons mené plusieurs consultations qui ont permis de dégager des recommandations que nous avons présenté à l’Etat togolais le 22 mars 2017 au CASEF.

Par rapport au niveau d’implication de la société civile, quelle différence y a-t-il entre le PND et l’ancien programme, la SCAPE (Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi, NDLR).

Entre la SCAPE et le PND, il y a une différence notoire. Au moment de la SCAPE, la société civile n’était pas aussi organisée. Elle était limitée aux ONG et quelques mouvements de femmes. Mais les grands groupes tels que les religions, la diaspora, les syndicats n’y faisaient pas partie. En plus, ce n’était pas une société civile qui avait de la hauteur sur les événements. Elle était donc juste un invité à la table des négociations.

Mais aujourd’hui, dans le cadre du PND, on a une société civile beaucoup plus organisée, beaucoup plus aguerrie, une société civile beaucoup plus proche des réalités du développement, qui a participé à la définition des ODD, qui était là quand on a décidé des mécanismes de conceptualisation des ODD dans le contexte national. Cette société civile d’aujourd’hui comprend tous les acteurs à savoir la diaspora, les jeunes, les femmes, les migrants, les handicapés. C’est elle qui essaye d’occuper l’espace dans le cadre du PND.

A l’instar d’autres programmes, le Plan National de Développement suivra également un processus. Dites-nous, quelles sont les différentes étapes qui marqueront l’élaboration du PND ?

C’est un processus qui est en cours. Le PND va être élaboré après plusieurs étapes. La première est celle des diagnostiques, la deuxième celle de l’identification des parties prenantes et la troisième celle de proposition et d’adoption de la norme de cadrage, c’est-à-dire les axes stratégiques. Au Togo on en a indentifié cinq qui vont porter le développement, cinq autour desquels les 17 ODD pourront s’inscrire. La quatrième étape sera celle du remplissage de la matrice d’action c’est-à-dire, quelles sont les activités spécifiques à mener sous chaque objectifs. Une cinquième étape sera celle de l’élaboration des PND. Nous sommes actuellement à la quatrième étape, en plein remplissage de la matrice des actions. Et c’est à ce niveau que la société civile a fait une proposition assez fouillée et assez scientifique. Durant la cinquième étape, une équipe sera chargée de l’élaboration, après il y aura une sixième étape de consultation, concertation, critique, amendements puis adoption à un atelier avant que le document ne soit présenté à l’Etat togolais. Il y aura après une autre étape qui va être la table ronde des partenaires pour voir comment financer le PND.

Avez-vous l’accompagnement de l’Etat dans les efforts que vous déployez pour vous impliquer dans le programme ?

Pour l’instant nous venons à peine de soumettre nos propositions. Et nous estimons que l’Etat fait bien d’être à notre écoute à chaque fois que nous le sollicitons. Deux directeurs à savoir Monsieur Akpoto et Monsieur Méatchi sont toujours avec nous. Et c’est très intéressant. C’est d’ailleurs du jamais vu. Nous espérons que toutes les propositions que nous ferons seront prises en compte. Mais déjà à ce niveau, il faut avouer que dans la définition des axes stratégiques et dans l’identification des parties prenantes, une large frange de la société civile a été prise en compte et la porte reste toujours ouverte à toutes celles et tout ceux qui veulent s’associer à la chose.

Qu’en est-il des populations à la base ? Leurs préoccupations ont-elles été prises en compte dans l’élaboration du PND ? 

En ce qui concerne les femmes et les hommes, leurs préoccupations seront forcément prises en compte. La société civile constitue l’interface essentielle entre les actions de l’Etat et les populations à la base. Cela va de soit que les positions qu’elle défend dans leurs diversités et pluralités prennent en compte les désirs et souhaits des populations à la base. Mais il faut savoir que dans la société civile, il n’y a pas que les ONG. Il y a aussi des associations de femmes, des groupes religieux, des syndicats, des petites confédérations, des CVD (Comités villageois de développement) et surtout des autorités locales à savoir les maires et les chefs traditionnels. Et donc quand on prend en compte les préoccupations de la société civile dans son ensemble, cela va de soit que les intérêts généraux soient pris en compte. Cela n’exclut pas qu’une tournée soit faite dans le cadre de la validation finale du PND. C’est notre demande d’ailleurs. Nous souhaitons que l’Etat fasse une tournée à travers tout le pays pour expliquer la chose aux gens, que les populations puissent confronter leurs réalités avec ce qui leur est proposé pour que le document final reflète les réalités du terrain. En conclusion, on va donc allier expression des voix de la société civile avec consultation dans les villages et dans bien de milieux de notre pays. Notre désir est que cela se fasse avec les OSC, puisque nous connaissons mieux les coins et recoins du Togo.

Le Plan National de Développement comprend également un aspect droit de l’homme. Que contient exactement ce volet ?

Les Objectifs du développement durable ne se réaliseront pas tant qu’il n’y aura pas une prise en compte des droits humains et tant que la gestion ne se fera pas selon une approche basée sur le droit. Il n’existe pas un ODD clair qui est consacré aux droits humains, mais les droits humains constituent une approche transversale et sont un principe clair défini dans l’agenda 2030.

En plus du fait que la mise en œuvre doit être universelle, qu’on ne doit laisser personne de coté, que l’approche genre soit prise en compte et tout, il est aussi demandé que la dimension droits de l’homme soit prise en compte dans l’élaboration des plans nationaux de développement. Bref, la dimension droits humains doit être prise en compte dans tout ce qui est conceptualisation des ODD à l’échelle national. Cette dimension se retrouve dans le titre même de cet agenda 2030 qui entend ne laisser personne de coté. Ne laisser personne de côté signifie que chacun doit avoir droit à l’eau, à la santé, à l’éducation, à l’énergie, droit à la parole, à la liberté d’association, droit à la grève etc. Cela est clair. Et la question des droits humains est clairement définie dans l’ODD 16 qui stipule la sécurité, la gouvernance, la justice, la démocratie. Là-bas, il y a des cibles spécifiques sur la lutte contre la corruption, l’impunité, l’évasion fiscale, bref une gouvernance dans laquelle chacun trouve son compte. En faisant cet exercice, le Togo renforcera les efforts qui sont en train d’être faits dans le cadre de la modernisation de la justice, l’accès de tous à une justice équitable, mais également lutter contre les inégalités qui sont criardes un peu partout et qui sont d’ailleurs à l’origine des mouvements auxquels nous assistons ces derniers temps. C’est déjà une approche aux droits humains que de voir l’Etat lutter contre ces inégalités.

Il y a aussi la question de la participation de la gouvernance partagée. Des mécanismes seront mis en œuvre pour que la société civile, les organisations de défense des droits humains puissent également y participer, qu’un cadre multi-acteurs permanent soit mis en place et institutionnalisé d’ailleurs. Tout cela permettra à ce que la mise en place du PND se fasse selon le désir de tous et sans que le développement du Togo ne laisse des gens en marge.  Je rappelle qu’actuellement, nous sommes dans la phase de définition des actions qui vont meubler les cinq objectifs stratégiques. Mais très bientôt, le document même sera élaboré et c’est en ce moment que les questions de gestion, de participation, seront prises en compte. Pour l’instant nous n’en sommes pas encore là, nous en sommes à l’étape préparatoire.