(Société Civile Médias) – Alors qu’elles croient pratiquer la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), les analyses ont montré que certaines entreprises minières, installées au Togo, se livrent plutôt à de la philanthropie, sans véritable concertation avec les communautés pour connaitre leurs besoins réels. Résultat, leurs ouvrages ou réalisations ne répondent pas forcément aux attentes des populations. Consultant en gouvernance minière et secrétaire permanent de la Plateforme des Organisations de la Société Civile du secteur minier (P.OSC.Mines), Isidore Basile TAKPA saisit l’occasion du 7ème Forum Solidarités Sociales des Travailleurs du Togo (FSSTT 2020) pour convier les entreprises minières à respecter les normes internationales en matière de RSE.
M. TAKPA, vous participez au 7ème Forum de Solidarité Sociale des Travailleurs du Togo (FSSTT 2020) où vous avez présenté une communication sur l’analyse diagnostique des politiques Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) dans les localités minières au Togo (Tabligbo ou Kpémé). Dites-nous, quel est le regard de la société civile sur les exploitations minières dans notre pays ?
Effectivement, nous sommes ici en tant qu’une partie prenante et personne ressource pour aider et contribuer aux échanges sur les problématiques de la RSE et sur les droits de travail en général dans le secteur minier. J’ai été désigné pour faire une analyse sur les processus ITIE et RSE qui se mettent dans les entreprises extractives. Mon regard, qui est un regard d’expert et qui provient d’une analyse littéraire, est qu’on s’est rendu effectivement compte qu’à Tabligbo par exemple, où se pratique l’extraction du calcaire avec deux grosses société à savoir WACEM et SCANTOGO MINE. Ces entreprises s’efforcent de faire un certain nombre de choses qui s’apparentent à la RSE. Mais lorsqu’on fait le diagnostic et on analyse de plus près, on relève un certain nombre d’éléments qui permettent de dire que ce n’est pas véritablement de la RSE que pratiquent mais des approches RSE qui existe.
Pourquoi parlez-vous d’approche RSE plutôt que de RSE en bonne et due forme ?
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Par exemple, nous avons bien documenté que ce que l’on a vu sur le terrain à Tabligbo est beaucoup plus de la philanthropique, je m’explique. L’entreprise décide à sa guise de faire un certain nombre de réalisations socio-collectives à l’endroit des communautés et peut brandir cela comme une RSE. Mais la question est de savoir si les ouvrages qu’elle réalise répondent vraiment aux besoins de la communauté, puisqu’il n’y a souvent pas, au préalable, un véritable dialogue ou concertation avec les populations du milieu pour connaitre leurs besoins réels. Cette approche comporte aussi des faiblesses du fait que des cibles vulnérables telles que les enfants et les femmes peuvent ne pas être véritablement prise en compte dans les réalisations des entreprises minières.
L’autre approche qui se pratique est que les entreprises font ce qu’on appelle ‘‘approche étatique’’, c’est-à-dire le respect de ce qui est prévu dans la réglementation. Etant donné que dans la réglementation togolaise qui encadre le secteur minier, on a un certain nombre de dispositions qui sont très proche de la RSE. Et quand les entreprises se mettent à les respecter par obligation, elles pensent ou font valoir le fait qu’elles font de la RSE, alors que ce n’est pas forcément le cas vu que la RSE, par définition, va au-delà de la réglementation.
Quelles recommandations pouvez-vous faire aux entreprises pour leur permettre de définir une véritable politique RSE qui peut bénéficier aux communautés ?
Les entreprises doivent aller vers une RSE qui se base sur les normes internationales. Au cours de nos travaux de groupe, quand nous avons analysé le reporting que fait SCAN TOGO MINE, que nous tenons à saluer au passage, nous avons remarqué qu’elle est l’entreprise qui fait l’effort de s’approcher un peu de la RSE. Elle publie chaque année un rapport à cet effet. Mais une analyse de ce rapport montre qu’il ne répond à aucun standard international. Faire des efforts pour être dans les normes, c’est bien. Mais encore faut-il veiller pour que ce qui se fait en matière de RSE respecte les normes internationales qui sont définis en la matière. Et c’est ça qui peut permettre de dire qu’une entreprise fait de la véritable RSE.
Nous avons aujourd’hui une approche jugée plus proche des communautés qu’on appelle l’approche des parties prenantes. Nous avons souhaité que s’il y a des actions que les OSC, les syndicats et autres peuvent faire, c’est aussi de sensibiliser les entreprises à opter beaucoup plus pour cette approche des parties prenantes qui met au centre le dialogue et la concertation avec les communautés. Autrement dit, pour faire sa RSE, l’entreprise met en place un plan stratégique dans un processus très participatif, consulte donc les communautés ou les parties prenantes et intéressés et essaye de mettre en place un certain nombre de projets qui satisfassent toutes les parties prenantes, aussi bien en amont c’est-à-dire au moment de l’élaboration, qu’en en aval. A la fin, il faut faire des enquêtes publiques pour voir si les actes posées ont eu des impacts. Voilà à peu près la contribution analytique que nous avons apportée à ce forum.
Il faut noter qu’Aujourd’hui, la réflexion au niveau international tend vers une nouvelle norme qui sera contraignante et qui va beaucoup plus travailler sur le contrôle des multinationales qui sont des donneurs d’ordres et des petites entreprises installées dans les pays. Je pense qu’il est question aujourd’hui que nous, organisations de la société civile et autres parties prenantes, nous puissions nous aligner sur cette solidarité internationale, autour de cette nouvelle loi qu’on va appeler le devoir de diligence ou de vigilance.