(Agence Société Civile Média) – Au Togo, la crise que connaît le secteur éducatif ces derniers temps oppose les enseignants au gouvernement. Mais au Burkina Faso, c’est plutôt des incompréhensions entre enseignants et élèves qui ont été la cause des récentes perturbations constatées dans ce secteur. Des incompréhensions qui ont engendré des foyers de tension dans plusieurs localités du pays. Une situation que le SNESS (Syndicat national des enseignants du secondaire et du supérieur) juge suffisamment grave pour appeler les acteurs à la retenue.
Voici la déclaration rendue publique par le SNESS :
Travailleuses et travailleurs du Burkina,
Enseignantes et enseignants,
Militantes et militants,
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L’actualité nationale au Burkina Faso reste marquée au niveau éducatif, ces deux dernières années, par des crises scolaires successives qui ont entaché le déroulement de l’année scolaire 2015-2016 d’une part et d’autre part celle de 2016-2017 en cours.
Pour l’année 2015-2016, les localités suivantes ont connu des crises assez aiguës. Il s’agit, entre autres, de celle survenue à Logobou, dans la Région de l’Est et précisément dans le CEG de Nagaré, marquée par des actes d’agression sur des enseignants et d’incendie de domiciles, de même que des actes d’incivisme caractérisés par le saccage d’un symbole de la nation (drapeau national) perpétrés par les élèves dudit CEG dans la journée du jeudi 14 avril 2016. Ensuite, ce fut le cas du Lycée Yadéga à Ouahigouya avec l’agression physique d’une enseignante par un élève en classe. Puis, ce fut le tour du Lycée Bambata à Ouagadougou, marqué par une gifle d’une élève sur une surveillante. En début Mars, des élèves du Lycée Untaani de Diapaga avaient saccagé des infrastructures judiciaires pour exiger la libération d’un des leurs, accusé d’avoir violé une mineure de 16 ans. Les élèves du lycée de Gounghin dans le Kouritenga, pour une revendication d’examens blancs, des violences ont été orchestrées contre l’administration.
Pour l’année 2016-2017 en cours, des cas d’incivisme, d’agression et de perturbation ont déjà été constatés durant ce premier trimestre finissant : Il y a notamment le cas de Gogo dans le Zoundwéogo, où, suite à une situation d’incompréhension entre un professeur et un élève, le parent de l’élève en question a porté la main sur l’enseignant.
Ouagadougou, a également, tout récemment, connu son lot de crises pendant ce premier trimestre : cela s’est traduit par des arrêts de cours, souvent, de façon violente dans certains établissements. En effet, des élèves motorisés et cagoulés, munis de cailloux, de lance-pierres, de bâtons, de sifflets, etc. sillonnent les établissements pour contraindre leurs camarades à déserter les classes. Ces faits sont accompagnés généralement et malheureusement par des actes de violence ; au Lycée Mixte de Gounghin, un professeur a été pris à parti parce qu’il aurait pris des photos des manifestants et une élève a été renversée et a malheureusement perdu deux dents ; le véhicule d’un professeur a été vandalisé au lycée Songtaaba ; au Marien N’gouabi, l’allée principale de l’établissement ressemblait à une piste de rallye… Le mobile évoqué est qu’ils réclament justice pour leurs camarades de Garango et de Boussé, et aussi pour le journaliste Norbert Zongo assassinés sous le défunt régime ; mobile compréhensible du reste, mais la forme de revendication reste problématique. Cette situation a contraint certains établissements publics et privés à arrêter les cours une dizaine de jours durant.
Le cas le plus récent nous vient de Niangologho où des notabilités coutumières et religieuses, accompagnées de parents d’élèves, sont allés vers les élèves en vue d’apaiser une situation tendue liée à la mise en place de structures associatives des élèves. Les élèves auraient refusé de les recevoir, et pire, ils les auraient hués, violentés et saccagé près d’une quinzaine de leurs motos.
Au-delà de ces actes récents, d’autres localités avaient auparavant été le théâtre d’actes d’agression et de vandalisme. Il s’agit entre autres de Solenzo et de Niangologho, où des enseignants ont été victimes d’agressions physiques, verbales et morales, avec destruction de biens matériels.
Les cas ne sont pas exhaustifs.
Suite à ces forfaits, les autorités administratives avaient entamé des démarches afin de trouver des solutions pour les cas de l’année scolaire 2015-2016, mais ces tentatives sont restées infructueuses dues certainement à des démarches inappropriées. Pour 2016-2017, le silence des autorités reste difficilement compréhensible au regard de l’ampleur et de la nature des manifestations.
Le SNESS affirme que la situation est d’autant plus préoccupante qu’elle interpelle la communauté toute entière en général et les plus hautes autorités du pays en particulier, en ce sens qu’elle témoigne d’une dégradation constante des rapports enseignants / enseignés dans nos espaces scolaires.
Somme toute, le SNESS fait l’amer constat d’un regain d’incivisme qui se manifeste à travers la destruction de biens publics et privés, la défiance de l’autorité de l’Etat et des enseignants par des élèves et de certains citoyens. L’espace scolaire, lieu d’instruction et d’éducation par excellence, tend à devenir un espace d’insécurité.
Cet incivisme qui gagne du terrain au Burkina pourrait s’expliquer par un certain nombre de facteurs dont l’extrême pauvreté qui contraint les parents à la démission de leurs rôles d’éducateurs à la base (famille). En outre, l’Etat lui-même, confronté à de nombreuses difficultés, peine à mobiliser les facteurs pouvant assurer une bonne éducation à sa jeunesse malgré les nombreuses réformes en la matière qui sont opérées dans le pays.
Il y a également une culture de l’excuse et de l’impunité empêchant de sanctionner, à la limite, de punir les agissements de certains citoyens, et les manifestations sont légion par conséquent. Dans presque tous les secteurs règne l’anarchie. Or, un Etat se doit d’être à mesure de contenir ces velléités par l’exercice d’une grande dose de rigueur, de fermeté et de démocratie réelle afin que force reste toujours et partout à la loi et que nul ne puisse être au-dessus de la loi. C’est là l’un des principes premiers d’un véritable Etat de droit.
Comme on le dit souvent, « aux grands maux les grands remèdes », face donc à cette situation d’incivisme gravissime dans notre pays, le SNESS juge nécessaire de revoir la copie du type de citoyen que le Burkina compte avoir et cela passe inéluctablement par la formation d’un Burkinabé de type nouveau ancré dans les valeurs cardinales empreintes de citoyenneté telles la tolérance, le respect à tous les niveaux entre citoyens et les biens publics et privés, la solidarité, la vertu, le courage, l’intégrité, la loyauté, la probité pour ne citer que celles-là.
C’est en cela que la revalorisation de l’instruction civique dans les écoles burkinabé est une nécessité absolue. A cela s’ajoute le besoin de campagnes de sensibilisation à la citoyenneté appuyées par le renforcement de la politique de l’éducation pour tous car bon nombre de ces actes d’incivisme découlent de l’analphabétisme dont le taux demeure toujours un autre défi dans notre pays.
En tout état de cause, le SNESS condamne avec la dernière énergie les récentes agressions d’enseignants, d’élèves et autres acteurs de l’éducation survenues dans les différents espaces scolaires à travers le Burkina-Faso. Par ailleurs, il voudrait rappeler aux élèves de ne se tromper de cibles car les enseignants et les élèves constituent une totalité, des partenaires indissociables et de ce fait, il ne saurait y avoir de velléités dans les rapports qui les lient. Sans enseignants pas d’élèves et vice versa. A l’endroit des parents, de la société entière, il serait judicieux d’éviter absolument de tomber dans l’auto-justice en posant des actes de violences envers les enseignants et les travailleurs de façon générale pour une quelconque raison, nous sommes dans une république.
Aussi, le SNESS attache du prix à la défense des intérêts matériels publics et privés, des intérêts moraux et de l’intégrité physique de tous les travailleurs en général et de tous les enseignants en particulier ; il leur témoigne son soutien et sa solidarité et les rassure de son entière disponibilité à mener la lutte en collaboration avec d’autres structures pour que nos espaces scolaires soient empreints de quiétude pour une éducation de qualité.
Le SNESS invite, par ailleurs, ses militantes et militants de toutes les contrées du Burkina à rester sereins et à ne pas céder à la panique face à l’actualité des événements d’agression récurrents dans les espaces scolaires. Il interpelle, en outre, les uns et les autres à être des modèles dans l’exécution de leurs tâches pédagogiques et administratives. C’est à ce prix que nous arriverons ensemble à bâtir un Burkina-Faso nouveau et prospère pour tous.
Sauvons l’école burkinabé !
Vive le SNESS !
Vive les enseignantes et enseignants !
Tous mobilisés et déterminés, nous vaincrons !
Fait à Ouagadougou, le 23 Décembre 2016
Pour le Bureau National
Anatole ZONGO
Secrétaire Général National.