Togo : Le CACIT plaide pour la révision de la situation des détenus politiques

Société Civile Médias
8 Min Read

(Société Civile Médias) – Au Togo, le décret pris par le Chef de l’Etat accordant la grâce présidentielle à 956 détenus le 27 octobre dernier satisfait le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT). Tout en saluant cette décision, le Collectif pense aux nombreux prisonniers politiques détenus dans les prisons du pays. Alors que ces derniers ne sont pas concernés par cette mesure, le CACIT en appelle aux autorités pour que des dispositions soient prises afin qu’ils bénéficient aussi de la grâce présidentielle ou soient mis en liberté provisoire.

Ci-dessous, l’intégralité du communiqué rendu public par le CACIT à cet effet.

COMMUNIQUE DU CACIT

- Advertisement -

Le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) salue la décision prise par le Chef de l’État à travers le décret accordant grâce présidentielle à 956 détenus et exhorte les autorités compétentes à juger dans un délai raisonnable les personnes détenues dans des affaires en lien avec la situation sociopolitique du Togo afin qu’elles soient éligibles à la grâce présidentielle ou d’analyser les possibilités de leur mise en liberté provisoire.

Le CACIT a appris avec satisfaction la libération de 956 détenus, essentiellement des condamnés en fin de peines, par grâce présidentielle, le 27 octobre 2023. Ces libérations viennent à la suite d’autres également accordées à 1048 détenus le 01 avril 2020, à 364 détenus le 31 octobre 2022 et à 352 détenus le 30 mars 2023.

L’initiative est à saluer dans la mesure où elle contribue à la mise en œuvre de la politique nationale de désengorgement des établissements pénitentiaires du Togo, ainsi que des recommandations pour l’amélioration des conditions de détention, formulées par les mécanismes internationaux de protection des droits de l’Homme, notamment (Recommandation 25. C, CAT 2019 ; Recommandation 34. C, CDH 2021 ; Recommandation 6.86 – 6.92, EPU 2022).

Le CACIT saisit cette occasion pour mettre en lumière son plaidoyer en faveur des personnes détenues dans des affaires en lien avec la situation sociopolitique au Togo, en collaboration avec d’autres organisations, notamment l’OMCT et WANEP-Togo. Pour rappel, ces togolais en détention dans des affaires liées aux revendications sociopolitiques, la plupart depuis 2018, sont accusés entre autres, de trouble à l’ordre public, apologie des crimes et délits et groupement de malfaiteurs, infractions prévues et punies par le Code Pénal Togolais. Certains d’entre eux ont été libérés suite à un jugement et un autre par grâce présidentielle, mais les autres demeurent en détention préventive. D’après les informations recueillies, au moins 05 de ces personnes détenues seraient décédées depuis 2018 à ce jour.

De ses différents documents de plaidoyer, le CACIT a pu relever en substance que : « S’il est avéré qu’au regard du cadre légal actuel, les personnes en détention préventive ne peuvent bénéficier de la grâce présidentielle, l’organisation  plaide pour que des instructions soient données, non pas pour influencer  le fond des dossiers, ce qui serait une démarche contraire au principe de séparation de pouvoir dans un État de droit ; mais pour que l’appareil judiciaire puisse juger dans un délai raisonnable lesdites personnes ». En effet, cela permettra au chef de l’Etat d’avoir la possibilité de les prendre en compte dans le cadre de l’utilisation de son pouvoir discrétionnaire de grâce présidentielle. Au regard de ces affaires empruntes de connotation politique, offrir cette possibilité au chef de l’Etat lui permettra de renforcer ses stratégies en faveur de la cohésion sociale et de l’apaisement surtout à l’orée des prochaines échéances électorales.

L’opportunité de la grâce présidentielle, n’occulte pas la possibilité pour l’appareil judiciaire et le Garde des Sceaux, Ministre de la justice d’explorer d’ores et déjà les pistes de mise en liberté provisoire qui est une provision légale existante dont certains de ces détenus pourraient bénéficier.

De plus, le CACIT exhorte l’État togolais à se saisir de la décision rendue par la cour de justice de la CEDEAO le 07 juin 2023, sur plainte soutenue par l’ASVITTO, ordonnant à l’État togolais de procéder « immédiatement, sans délai et sans condition » à la libération d’AKOHSI Sakibou et 9 autres. Pour rappel, l’article 15 paragraphe 4 du Traité Révisé de la Cour de justice de la CEDEAO dispose clairement : « Les arrêts de la Cour de Justice ont force obligatoire à l’égard des États Membres, des Institutions de la Communauté, et des personnes physiques et morales » et l’article 63 du Règlement de la Cour de Justice de la CEDEAO précise que : « l’arrêt a force obligatoire à compter du jour de son prononcé ».

Au regard de ce qui précède, le CACIT recommande :

Au Chef de l’Etat :

  • Instruire le ministère de la justice et d’autres acteurs pertinents notamment le ministère des droits de l’Homme, de la Formation à la Citoyenneté, des Relations avec les Institutions de la République ;  le ministère de l’Action Sociale, de la Protection de la Femme et de l’Alphabétisation ;  le ministère de la Sécurité et de la Protection Civile ; le ministère de l’Economie Numérique et de la Transformation Digitale ; le ministère de l’Economie et des Finances, le ministère de la Santé, de l’hygiène Publique et de l’Accès Universel aux Soins du Togo ; le ministère de l’Eau et de Hydraulique Villageoise, la CNDH, en associant la société civile, les partenaires techniques et financiers, le secteur privé, les universitaires et les organisations internationales, afin de réfléchir sur le système carcéral dans son ensemble et faire des propositions concrètes à court, moyen et long terme, pour son amélioration et la mise en place d’un mécanisme de suivi approprié.

Au Garde des sceaux, ministre de la justice :

  • Consolider les stratégies de collaboration et d’actions avec la société civile, notamment dans la gestion des dossiers des détenus bénéficiant de la grâce présidentielle, en vue de renforcer les initiatives de réinsertion et pour prévenir la récidive ;
  • Réviser diligemment tous les dossiers des détenus en détention préventive, afin de favoriser la mise en liberté de droit de tous ceux qui auraient déjà passé en détention la moitié de la peine de prison maximale dont est passible l’infraction qui leur est reprochée, aux termes de l’article113 code de procédure pénale togolais.

                                                                                 Fait à Lomé, le 07 novembre 2023

                     Le Directeur Exécutif du CACIT

         Ghislain Koffi D. NYAKU