(Société Civile Médias) – Le manque de nourriture est-il à l’origine du problème de la faim dans le monde ? Comment se fait-il que ceux qui produisent de la nourriture n’arrivent pas à se nourrir suffisamment ? Ce sont quelques unes des questions à laquelle répond le film intitulé « Le paradoxe de la faim », projeté le samedi 25 novembre par l’ONG OADEL et son partenaire l’UROPC-M, dans le cadre de la 16e édition du festival de films ALIMENTERRE. La rencontre se voulait un cadre d’échange entre acteurs sur l’épineux problème de la faim dans le monde.
Petit film d’animation des ONG belges SOS Faim et Iles de Paix, « Le paradoxe de la faim » est un format court métrage d’infographie qui permet d’aborder le sujet complexe de la faim de façon condensée et pédagogique.
Du résumé du film, on retient que les personnes qui ont le plus faim sont celles qui produisent de la nourriture. Et c’est justement cela le paradoxe. Le film révèle qu’une des explications de cette situation se trouve dans le système économique et politique.
« Les cultivateurs, les agriculteurs, les producteurs ont faim. Et c’est vraiment paradoxal vu que ce sont eux qui produisent de la nourriture, ce que nous devons manger. Ce que le film nous fait comprendre est que, en réalité, quand on parle de la faim, on ne parle pas d’absence de nourriture ou d’aliments. Mais nous sommes dans un monde ou tout est régis par la possession de l’argent », déplore Maxwell Atidigah, coordonnateur des programmes à l’ONG Organisation pour l’Alimentation et le Développement Local (OADEL).
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Ci-dessous, le film “Le Paradoxe de la faim”
En effet, alors que la planète possède toutes les ressources pour pouvoir produire de la nourriture pour chacun, plus de 800 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde dont une grande partie en Afrique. Selon les données, 80% de ces personnes qui ont faim sont des agriculteurs, des éleveurs ou des pêcheurs. Dense en informations, le film « Le paradoxe de la faim »retrace les causes de cette contradiction et donne trois exemples qui permettent de comprendre ce phénomène : le Burkina Faso et la production laitière, le Pérou et les avocats, l’Indonésie et l’huile de palme. Par ailleurs, le film illustre l’impact de différentes politiques sur les agriculteurs et l’environnement et présente les moyens d’action en faveur du respect du droit à l’alimentation.
Pour Maxwell Atidigah, l’aggravation de la faim dans le monde est aussi le résultat d’un échec politique à résoudre les problèmes structurels du système agricole et alimentaire mondial. Un système basé sur la prévalence de l’industrie, qui concentre pouvoir et richesses entre les mains d’un petit nombre d’acteurs et génère beaucoup d’inégalités.
« Il y a l’aliment, mais quand vous n’avez pas l’argent pour pouvoir l’acheter, vous êtes producteur, mais vous avez faim. Ce que vous produisez, les échanges commerciaux vous obligent à les vendre et à aller acheter quelque chose qui coûte moins, ce qui vous enferme dans un cercle vicieux de faim et de fragilité », explique-t-il.
L’expérience a montré que dans les pays en développement, le modèle agro-industriel épuise les terres et rend l’agriculture de plus en plus vulnérable aux changements climatiques. Il crée une concurrence dévastatrice pour les millions de petites exploitations familiales, écrasées par le marché, et fait plonger dans la pauvreté, les paysans.
La projection, qui a connu la participation d’acteurs du secteur agricole, d’étudiants, de producteurs, d’entrepreneurs, d’activistes, de consommateurs, d’acteurs de la société civile, a été suivie d’un panel qui a permis à des invités du ministère en charge de l’Agriculture du Togo d’échanger avec les participants sur le programme de ce département pour une bonne alimentation. Le rôle de la société civile pour accompagner le ministère dans ce domaine a été également évoqué.
Présente à la rencontre, Claire Quenum, coordinatrice de programme de l’ONG FLORAISON, estime pour sa part que le problème de la faim est aussi dû à l’absence d’organisation dans les programmes alimentaires et aux mauvaises conditions dans lesquelles se fait la production. D’après Mme Quenum, la souveraineté alimentaire doit être promue en permettant aux populations, aux communautés et aux pays de concevoir et élaborer, en toute autonomie, leurs politiques publiques agroalimentaires conformément aux normes écologiques, sociales, économiques et culturelles ; d’avoir le droit à une alimentation saine, nutritive et adéquate ; et d’avoir le droit aux ressources et aux moyens nécessaires pour la production alimentaire.
Egalement invité à la projection comme paneliste, Jean-Charles Sossou, agronome, agroécologiste et président de l’association Eco-Impact, estime que la faim dans le monde est davantage une question de distribution et de redistribution des ressources alimentaires, une question d’exclusion de petits producteurs qui accentue leur pauvreté et amenuise leur accessibilité aux ressources alimentaires.
« C’est une question qui va au delà de la production des cultures. Elle est d’ordre social, économique et de gouvernance avant d’être lié au gaspillage alimentaire et aux changements climatiques. Pour nous ce phénomène touche pratiquement toutes les communautés et presque tous les ménages car la faim est un besoin que ressent tout individu. Se nourrir est un droit fondamental, primaire et consommer un produit, c’est un acte citoyen et politique », pense M. Sossou.
Celui-ci a donc invité les participants et la population à adopter les produits agroécologiques et plaidé pour un accès facile à la terre, à l’énergie, aux infrastructures et aux moyens techniques et financiers de production pour les jeunes entrepreneurs, les producteurs. Ceci, pour intensifier la promotion des produits locaux sains; encourager et accompagner les producteurs pour la culture des produits vivriers au profit des cultures d’exportation; développer les marchés territoriaux et privilégier les circuits courts.
En marge de la projection, qui marque la fin de la 16e édition du Festival de films ALIMENTERRE, une sensibilisation a été faite aux participants sur les valeurs nutritionnelles du pois d’angole et du voandzou, deux aliments en voie de disparition au Togo. La sensibilisation a été suivie d’une séance de dégustation de mets locaux à base de ces légumineuses.