Agroécologie, Maîtrise de l’eau, Gestion des revenus : WEP-TOGO soutient la résilience climatique des groupements des femmes agricultrices de la ferme école Kekeliva

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(Société Civile Médias) – Dans la commune d’Agou 1, au Togo, les effets du changement climatique bouleversent profondément les activités agricoles : saisons imprévisibles, raréfaction des pluies, dégradation des sols… Autant de défis qui menacent directement les femmes agricultrices des groupements de la ferme école Kekeliva, actrices clés de la production maraîchère locale. Pour renforcer leur capacité d’adaptation et soutenir leur autonomie, l’ONG WEP-TOGO (Women Environmental Programme – Togo) a initié le projet « Renforcement de la résilience climatique des groupements de femmes agricultrices de la ferme école Kekeliva ». Ce projet a démarré ce 02 Mai 2025 avec un atelier de formation qui a permis à ces femmes de se former aux stratégies d’adaptation en agroécologie, à la maîtrise de l’eau et à la gestion financière de leurs activités génératrices de revenus.

Une vue sur la ferme agricole “Kekeliva”.

Tenue à la ferme Kekeliva, sis à Agou-Nyogbo Nord, cette formation s’inscrit dans le cadre du programme « Féminisme, Actions et Mobilisation pour une Économie inclusive (FAME) », une initiative soutenue par l’Agence Française de Développement (AFD) et mise en œuvre par l’ONG GERES. Selon les responsables de l’ONG WEP-TOGO, elle répond à un besoin fondamental : doter les femmes agricultrices de la commune d’Agou 1, et plus précisément celles des groupements de femmes de Kekeliva, de savoirs et de compétences concrètes en agroécologie résiliente, en gestion durable des ressources en eau, ainsi qu’en gestion financière de leurs activités économiques.

Bernard Koffi SEWONOU, formateur principal.

« Le choix de concentrer la formation sur ces trois domaines vise à renforcer concrètement la résilience climatique des agricultrices, à accroître leur productivité et à promouvoir leur autonomisation économique, en parfaite cohérence avec les objectifs poursuivis par le projet », explique Brigitte ACAKPO-ADDRA, Directrice Exécutive de WEP-TOGO

Une formation pour transformer les pratiques

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Reposant sur une approche pédagogique fondée sur l’apprentissage par la pratique (« learn by doing »), la formation a permis aux agricultrices d’acquérir de nouvelles compétences à travers des ateliers appliqués.

En introduction aux modules, les femmes ont énuméré les manifestations du changement climatiques qu’elles pu observer au cours de ces dernières années. Il s’agit des sècheresses prolongées, la baisse des rendements, la pauvreté des sols, le retard des pluies, la variation des saisons, etc….

Le premier module a été consacré aux stratégies d’adaptation aux aléas climatiques, spécifiquement en lien avec les principes de l’agroécologie.

Séance pratique sur la production du compost Bokashi.

D’après Bernard Koffi SEWONOU, agroéconomiste, spécialiste en Développement durable et formateur principal, il s’agit d’une approche qui permet d’identifier et de mettre en œuvre des mesures concrètes pour transformer et réorienter les systèmes agricoles, dans l’optique de soutenir durablement le développement du secteur et de garantir la sécurité alimentaire en contexte de dérèglement climatique.

La formation a ainsi introduit les participantes aux trois piliers fondamentaux de l’Agriculture Intelligente face au Climat (AIC), socles sur lesquels reposent les stratégies d’adaptation durable.

Le premier pilier vise l’adaptation et la résilience face aux aléas climatiques, à travers des pratiques capables de protéger les sols, de gérer efficacement l’eau et de diversifier les cultures. Le deuxième concerne l’amélioration durable de la productivité et des revenus agricoles, en combinant performance économique et respect de l’environnement. Enfin, le troisième pilier insiste sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en promouvant des pratiques agricoles respectueuses du climat.

Ce premier module a également offert l’occasion d’examiner plusieurs stratégies d’adaptation des pratiques agroécologiques face aux effets du changement climatique. Parmi celles abordées figurent la technique du zaï, la fertilisation localisée par microdose, les méthodes optimisées d’application des intrants, l’association culturale, l’agroforesterie, le compostage, le paillage ainsi que la rotation visant à renforcer la résilience des systèmes agricoles tout en améliorant leur efficacité. Pour une meilleure connaissance, les méthodes de ces techniques ont été présentées ainsi que leurs avantages.

Pour permettre aux femmes de toucher du doigt la réalité, ces dernières ont ainsi participé à l’atelier pratique de production de Bokashi, un engrais organique naturel qui joue un rôle vital dans l’amélioration des propriétés chimiques, biologiques et physiques du sol. Il est riche en éléments nutritifs tels que l’azote, le phosphore et le potassium, fournissant ainsi aux plantes une source abondante de nutriments essentiels.  Le Bokashi est fabriqué principalement à partir de matières organiques fermentées à savoir des déchets d’animaux, le son de riz, la balle vide de riz, la levure de la boulangerie, la cendre, le charbon, le sucre roux de préférence, eau sans chlore, etc…..

Le deuxième module de la formation a été consacré à la gestion durable de l’eau en agroécologie, avec pour objectif de doter les agricultrices de connaissances pratiques sur les différents systèmes d’irrigation et les techniques de maîtrise de l’eau adaptées aux principes agroécologiques. Cette composante vise à leur permettre d’optimiser l’usage de l’eau, ressource de plus en plus précieuse dans le contexte actuel de variabilité climatique.

Comme l’a souligné le formateur principal, « l’eau, en tant qu’élément central de l’agroécosystème, constitue un facteur déterminant de la production agricole, notamment dans de nombreux pays où elle fait souvent défaut. Il est donc essentiel de promouvoir des pratiques de rétention, de récupération et de stockage de l’eau, particulièrement en agriculture biologique, où l’on s’attache d’abord à renforcer la capacité des sols à retenir l’eau et à favoriser son infiltration ».

          Utilisation des pulvérisateurs par les bénéficiaires.

Les participantes ont ainsi été sensibilisées aux fonctions essentielles de l’eau en agriculture, ainsi qu’aux méthodes agroécologiques de gestion rationnelle : mobilisation raisonnée des ressources en eau, usage optimisé à l’échelle des parcelles, conservation de l’humidité du sol, et protection des réserves contre les pollutions d’origine agricole ou industrielle.

Sur le terrain, les femmes ont été conviées à une séance pratique sur l’utilisation des systèmes d’irrigation goût à goût, depuis le démarrage de la pompe à eaux jusqu’à la gestion des tuyaux, d’aspersion des eaux sur les planches et les cultures. Une phasé pratique de l’utilisation des pulvérisateurs pour le traitement biologique des plants s’en ait aussi suivi.

Pour clore la session de formation, les femmes agricultrices ont été initiées à la Gestion Simplifiée des Activités Génératrices de Revenus (AGR). Selon le formateur, ce module s’avérait essentiel, car nombre de productrices (notamment en agriculture maraîchère) mènent leurs activités sans véritable planification globale. Elles sèment, entretiennent et récoltent, mais souvent sans stratégie cohérente ni vision à moyen terme. Cette absence d’anticipation entraîne plusieurs déséquilibres : surproduction à certaines périodes, provoquant une chute des prix ; pénurie d’eau ou de main-d’œuvre au moment critique ; difficultés d’écoulement des produits, faute d’analyse préalable du marché ; ou encore pertes liées à une mauvaise gestion des semences et des intrants.

Séance théorique sur la gestion des AGR.

Ce dernier module visait à leur transmettre un ensemble de connaissances pratiques et d’outils adaptés, destinés à accompagner celles qui mènent déjà des initiatives économiques (individuelles ou collectives) ou qui sont en phase de lancement pour leur permettre de structurer efficacement leurs activités, d’en assurer la viabilité, et d’en tirer un bénéfice durable.

Dans le cadre de ce troisième module, les participantes ont été amenées à mieux comprendre les fondamentaux d’une activité génératrice de revenus (AGR), à travers une approche progressive. Elles ont ainsi exploré la définition et la typologie des AGR, avant d’aborder les principes de gestion simplifiée de ces activités. Des notions clés comme le choix judicieux des cultures, l’établissement d’un calendrier cultural adapté, l’anticipation de la commercialisation et la gestion à travers une recherche proactive de débouchés, la gestion de la caisse ont également été développées, afin de leur permettre de structurer leurs initiatives agricoles de manière durable et rentable. Pour terminer ce module, un exercice sur l’établissement d’un compte de dépense pour la production d’Adémé sur un carré a été fait.

A noter que le projet « Renforcement de la résilience climatique des groupements de femmes agricultrices de la ferme école Kekeliva » se poursuivra avec d’autres activités.

Les bénéficiaires de la formation témoignent

« Avant cette formation, c’était vraiment difficile pour nous. On voyait bien que le climat changeait : les pluies n’arrivaient plus au bon moment, la terre devenait de plus en plus pauvre, et nos récoltes diminuaient d’année en année. On se sentait souvent impuissantes face à ces problèmes. Quand on a entendu parler de cette formation à Kekeliva, on a tout de suite senti que ça pouvait nous apporter quelque chose de concret. Et on n’a pas été déçues ! On a appris tellement de choses sur comment prendre soin de notre terre avec l’agroécologie, comment mieux utiliser l’eau qui devient si précieuse, et même comment gérer notre argent pour que nos efforts portent vraiment leurs fruits ». Témoignage de Mme AXOVI Afi, présidente du groupement VIDEDE.

« Ce qui était vraiment bien, c’est qu’on n’a pas seulement écouté des discours. On a mis la main à la pâte ! On a fabriqué le Bokashi, un compost qui redonne vie à la terre, comment protéger nos cultures avec des méthodes naturelles, comment stocker l’eau intelligemment. C’est ça qui nous a vraiment marquées, parce qu’on a compris que ce n’était pas juste de la théorie, mais des choses qu’on pouvait appliquer directement dans nos champs. Aujourd’hui, je me sens plus confiante. Je sais que les défis climatiques sont toujours là, mais j’ai maintenant des outils et des connaissances pour mieux y faire face. J’espère vraiment que nos récoltes vont s’améliorer, que notre travail sera plus récompensé, et que nous pourrons devenir plus autonomes financièrement. Un grand merci à WEP-TOGO et à GERES, pour cette chance qu’ils nous ont donnée ». Témoignage de NIMON Essouhouna, membre du groupement PIGNALA.