(Société Civile Médias) – Ni pesticide, ni engrais chimique ! A la ferme-école agroécologique « Kekeliva », toutes les productions agricoles sont bios. Initiative de l’ONG WEP-TOGO, cette ferme, située dans le canton d’Agou Nyogbogan (préfecture d’Agou), a été mise en place dans le cadre de son projet « Appui aux Femmes Agricultrices en Gestion Durable et Efficiente des Terres ». Mis en œuvre depuis août 2019, ce projet a changé le quotidien de plusieurs femmes agricultrices de la localité, ainsi que des régions Maritimes et des Plateaux. En plus d’avoir amélioré leurs conditions socio-économiques, elle a surtout contribué à renforcer leurs capacités pour une gestion durable des terres.
Elément fondamental du revenu des femmes en Afrique, l’agriculture est considérée, dans les pays en voie de développement, comme la première activité de 4/5 des femmes actives économiquement. Le Togo ne fait pas exception. A l’ONG WEP-TOGO (Women Environmental Program-Togo), qui œuvre pour la mobilisation et l’implication des femmes dans la protection de l’environnement à travers des actions de développement durable, on estime que de plus en plus de femmes se consacrent à l’agriculture. Ce qui les amène à jouer un rôle très important en matière de sécurité alimentaire dans les communautés.
Cependant, ces femmes agricultrices ne bénéficient pas réellement du fruit des efforts de leur travail. Ceci, en raison des défis auxquels elles sont confrontées. A Agou Nyogbogan par exemple, ces défis sont liés à la baisse de la productivité des terres, due au déclin de la fertilité des sols fortement éprouvés par des années d’utilisation d’engrais chimique.
« Nous sommes nombreuses à pratiquer le jardinage dans ce village. Et pour avoir un bon rendement, nous utilisons plusieurs sacs d’engrais chimiques. Mais après les récoltes, nous nous rendons compte que le rendement n’est finalement pas celui escompté et qu’il ne nous reste pratiquement plus rien après avoir remboursé les sommes dépensées pour acheter les engrais », témoigne une femme agricultrice du milieu.
- Advertisement -
A cette contrainte, s’ajoutent d’autres tout aussi importantes. « Au nombre de celles-ci, nous pouvons citer la fréquence des poches de sécheresse, la faible capacité de maîtrise d’eau, l’amenuisement des moyens de subsistance, le faible accès aux semences améliorées, pour ne citer que celles là », relève Brigitte ACAKPO-ADDRA TSONYA, Directrice de WEP-TOGO.
Vue partielle de la ferme-école “Kekeliva”
Cette situation, qui augmente la vulnérabilité des femmes agricultrices, a conduit WEP-TOGO à réfléchir à des solutions innovantes pouvant lui permettre de les accompagner dans leurs activités, en renforçant leurs capacités pour une meilleure gestion des terres et en assurant durablement leur développement socioéconomique. C’est ainsi que verra le jour le projet ‘‘Appui aux Femmes Agricultrices en Gestion Durable et Efficiente des Terres’’ avec l’appui financier de la Fondation la France s’Engage (FFE) et de l’Ambassade de France au Togo à travers le projet PISCCA 2019.
« Notre projet a ciblé les femmes agricultrices des régions Maritimes et des Plateaux. Son objectif global est de renforcer leur résilience face au changement climatique », explique la directrice de WEP-TOGO.
La ferme-école « Kekeliva » pour changer les pratiques
Une des composantes du projet ‘‘Appui aux Femmes Agricultrices en Gestion Durable et Efficiente des Terres’’, la ferme-école « Kekeliva » a été créée et implantée à Agou-Nyogbogan, localité à fort taux d’agricultrices, en vue de renforcer leurs capacités sur toute la chaine de valeur et améliorer leurs conditions socio-économiques. Elle est subdivisée en plusieurs ateliers de formation à savoir atelier compostage, élevage de poules et chèvre, production de champignon, site maraîchère et site de cultures saisonnières et transformation du manioc.
Grâce à son accompagnement, au moins six coopératives de femmes agricultrices bénéficient, depuis plusieurs mois, de diverses formations. Celles-ci portent notamment sur les bonnes pratiques de restauration écologiques des terres ; l’élevage traditionnel amélioré ; l’hygiène et la qualité lors de la transformation de produits agricoles.
« La ferme nous a appris les techniques qui nous permettent aujourd’hui d’améliorer l’élevage de nos poules. Nous avons appris par exemple comment les nourrir, comment leur donner de l’eau et à quelle fréquence, quand séparer les poussins de leur mère, etc », témoigne une des bénéficiaires de la formation en élevage, rencontrée sur le site de la ferme
« Nous avons également appris comment bien semer le maïs et d’autres céréales pour qu’elles puissent bien pousser. En ce qui concerne les sols infertiles, on nous a formés à la fabrication du compost pour les enrichir. Ainsi donc, à travers le projet PISCCA, cette ferme m’a permis, ainsi qu’à d’autres femmes, de savoir comment redonner vie à nos terres qui ne produisaient plus beaucoup », ajoute une autre.
« Les femmes ont également bénéficié de dotations en volailles géniteurs, de matériels de production agricole et d’unité de transformation agricoles notamment le manioc. Il s’agit de les aider à diversifier leurs activités économiques », précise Mme ACAKPO-ADDRA TSONYA.
L’heure du bilan !
Mis en œuvre d’août 2019 à octobre 2020, le projet est arrivé à terme après environ 15 mois d’exécution. A WEP-TOGO, on estime qu’un bilan s’impose. L’ONG a donc organisé les 4 et 5 novembre dernier un atelier de capitalisation de ses acquis dans l’enceinte de la ferme-école « Kékéliva ».
La rencontre a vu la participation d’une trentaine de participants dont des autorités locales et traditionnelles, ainsi que des représentantes de six groupements d’agricultrices. Il s’est agi de partager les résultats et les bonnes pratiques réussies du projet avec ces différentes catégories d’acteurs et de nouer un partenariat stratégique avec eux pour l’autonomisation économiques des femmes.
« L’atelier nous a permis de ressortir les forces, les faiblesses et les leçons apprises tout au long des activités du projet. Elle a été l’occasion d’informer les parties prenantes sur le déroulement du projet, notamment ses objectifs, activités réalisées ainsi que les résultats obtenus. Les perspectives du projet ont été énumérées et ont reçu l’adhésion des parties prenantes. Mieux, des recommandations pertinentes ont été faites par les différents acteurs pour leur mise à l’échelle », fait savoir la première responsable de l’ONG WEP-TOGO.
Des femmes agricultrices en pleine activité sur le site de la ferme
L’atelier de capitalisation a aussi permis aux femmes bénéficiaires de faire ressortir les bonnes pratiques agroécologiques réussies dans la mise en œuvre du projet. Des pratiques qui leur ont ouvert les yeux sur la façon dont il faut gérer le sol pour en tirer vraiment profit.
« Aujourd’hui, tout est différent grâce aux formations reçues par le biais du projet de WEP-TOGO. En plus d’avoir des produits bios et sans danger pour la santé, nos rendements se sont nettement améliorés, de même que les bénéfices issus de la vente de nos produits», se réjouit une agricultrice d’Agou Nyogbogan. « Ce projet m’a beaucoup aidé, et il a même eu des retombées positives sur ma famille. Cette année, les bénéfices issus de la vente de mes produits agricoles m’ont permis d’assurer la rentrée scolaire de mes enfants et de leur acheter leurs fournitures », ajoute-t-elle.
Des activités menées par l’ONG WEP-TOGO dans le cadre du projet, on retiendra, en somme, l’installation d’un champ école pour renforcer les capacités des femmes en gestion durable des terres, ainsi que l’organisation de cinq sessions de formation de mars à juin 2020. 54 femmes formatrices ont été formées au cours de ces sessions. Ces dernières ont ensuite fait la restitution de ces formations à 151 femmes de leurs groupements respectifs. Au total 205 Femmes ont été formée et renforcer en Gestion Durable et Efficiente des Terres.
Le projet a également permis la formation des femmes éleveurs en élevage traditionnel amélioré ; l’appui de 24 femmes en élevage de poules locales améliorées. Ces femmes, il faut le rappeler, ont été dotées de géniteurs améliorés de volailles (24 coqs et 48 poules) et de matériels d’élevage.
On retiendra aussi sa contribution à la formation de 50 femmes transformatrices de produits agricoles en hygiène et qualité, de même que son appui à l’amélioration de la transformation des produits agricoles par la mise en place d’une unité de transformation du manioc pour les femmes de la localité d’Agou Nyogbogan.
Le projet a par ailleurs contribué à la mise en place, depuis janvier 2020, d’une unité de production de compost. Elle est composée de 2 composteurs modélisés d’une capacité de 500 kg et 1000 kg. Le matériel a permis aux femmes de produire 16 tonnes de compost sur une période de 08 mois.
Aussi, une boutique a été créée à Lomé où se vendent des produits agricoles biologiques issus de la ferme-école « Kekeliva », à travers des commandes et livraisons sur une plate-forme en ligne ou téléphonique.
« C’est une joie pour nous d’avoir la ferme-école Kekeliva dans notre localité. Et nous ne pouvons que remercier WEP-TOGO et le projet PISCCA pour tout ce qu’ils ont pu accomplir en faveur de nos femmes agricultrices qui, de plus en plus, deviennent des femmes financièrement autonomes », s’est réjoui le représentant du chef-canton d’Agou Nyogbogan lors de l’atelier de capitalisation.
Photo de famille après l’atelier de capitalisation
Si ces résultats sont à saluer, ils n’ont toutefois pas été obtenus sans difficultés aussi bien pour les femmes que pour l’organisation initiatrice du projet. Ces difficultés sont notamment liées à l’accès au site de la ferme.
« Parcourir les trois kilomètres de piste qui mènent à la ferme se révèle parfois très pénible, surtout en période de pluie. Avant d’accéder au site ou à ses environs, les femmes sont obligées de marcher dans l’eau sur plusieurs centaines de mètres. Et le parcours est encore plus difficile pour elle après la récolte de leurs produits. Pour les emmener sur les lieux de vente, c’est la croix et la bannière. Idem pour le personnel de WEP-TOGO. Vu que nous n’avons pas un engin roulant adapté, nous sommes parfois obligés de garer nos véhicules en chemin pour rejoindre la ferme à pied », fait savoir Mme ACAKPO-ADDRA TSONYA.
Aussi, le nombre de femmes agricultrices qui fréquentent la ferme devient de plus en plus important. Du coup, la quantité d’eau que fournit la pompe immergée solaire installée sur le site devient insuffisante. Les initiateurs du projet souhaitent donc avoir un appui qui leur permettra de se doter d’une pompe immergée solaire capable de fournir une quantité d’eau plus importante à la ferme.
Larissa AGBENOU