(Société Civile Médias) – Sujet de préoccupation depuis le 26 mars dernier, la révision constitutionnelle suscite énormément l’intérêt des Togolais et cristallise les débats au sein de l’opinion. Mais de l’avis de certains acteurs, le monopole du discours est souvent conféré aux juristes, reléguant ainsi d’autres voix essentielles au second plan. Une situation qu’ils trouvent non seulement inéquitable, mais aussi dangereuse pour la démocratie et le développement du Togo.
D’après André Kangni AFANOU, Président du Centre de documentation et de formation sur les droits de l’homme (CDFDH), les juristes, bien que qualifiés dans leur domaine, ne devraient pas avoir le monopole du débat sur la Constitution Togolaise.
« Il est important de reconnaître que la révision ou le changement de la constitution ne relève pas uniquement du domaine juridique. Au contraire, cela touche à de nombreux aspects de la société togolaise, allant de la politique à l’économie en passant par la culture et la société dans son ensemble », fait observer M. AFANOU, avant d’évoquer le rôle que pourraient jouer les acteurs, dans leurs domaines respectifs, dans ce débat.
« Les sociologues apportent une perspective sur les dynamiques sociales et les aspirations populaires, tandis que les historiens éclairent sur les leçons tirées du passé et les implications historiques des décisions politiques. Les économistes peuvent évaluer les conséquences économiques des révisions constitutionnelles, tandis que les anthropologues peuvent fournir un aperçu des valeurs culturelles en jeu », soutient-il.
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Son avis est partagé par un autre juriste, Bakafitine BANQUE qui, dans un poste sur les réseaux sociaux, soutient que « le débat sur la constitution n’est pas un débat politique, mais plutôt un débat citoyen ».
Le constat d’André Kangni AFANOU est d’autant plus pertinent que dans le dernier débat sur la modification constitutionnelle organisé par la Télévision togolaise et des médias privés de la place, 4 des 8 participants étaient des juristes. Ces derniers ont d’ailleurs tous pris fait et cause pour la modification de la constitution essayant de défendre et de justifier l’initiative. A croire, selon certains observateurs, que le pouvoir se sert d’eux pour convaincre les Togolais du bien-fondé d’une révision décriée aussi bien au Togo qu’ailleurs sur le continent. Il en est de même sur les grands médias où la plupart des personnes interrogées sur le sujet sont des juristes.
Pour ailleurs, au-delà des intellectuels, M. AFANOU estime que les acteurs du secteur informel et les opérateurs économiques ont également leur mot à dire dans ce débat parce qu’ils représentent une partie importante de l’économie togolaise et sont directement concernés par les politiques qui régissent le cadre économique et juridique du pays.
« Leur inclusion dans le débat est donc essentielle pour garantir que les intérêts de tous les segments de la société sont pris en compte », pense cet acteur de la société civile qui interpelle les journalistes sur la nécessité de veiller à ce que le débat soit inclusif et diversifié.
« Plutôt que de donner la parole uniquement aux juristes, ils devraient chercher à entendre une variété de voix et d’opinions, reflétant ainsi la richesse et la diversité de la société togolaise. En permettant à différentes perspectives d’être entendues, les journalistes peuvent contribuer à éclairer le public et à favoriser un dialogue constructif sur l’avenir constitutionnel du pays (…) Il est temps de reconnaître que les juristes ne devraient pas avoir le monopole du discours et d’inviter d’autres personnes ressources et leaders d’opinion à participer activement au débat. C’est seulement en faisant entendre toutes les voix que nous pourrons garantir un processus démocratique et transparent pour l’élaboration de la constitution togolaise », a conclu André Kangni AFANOU.
A noter que quelques jours après l’adoption de la nouvelle constitution par les députés togolais, Kako NUBUKPO, Economiste, ancien ministre togolais et actuel commissaire chargé de l’agriculture, des ressources en eau et de l’environnement à l’Uemoa, a, dans une tribune publiée sur Jeune Afrique, clairement affiché son opposition à la modification de la constitution togolaise. Il estime qu’en prenant une telle initiative, « le président Faure Gnassingbé et les députés de son camp prennent le risque de conduire le pays dans une aventure dont l’issue pourrait être tragique ». Pour Kako NUBUKPO, cette modification nécessiterait à tout le moins, un débat public « en prenant le temps de faire la pédagogie de la réforme, en prenant soin de consulter toutes les couches de la population et, enfin, en ne s’interdisant pas la voie de la procédure référendaire ».
Avant M. NUBUKPO, la Conférence des Evêques du Togo (CET) s’est également prononcé sur le sujet, demandant au Chef de l’Etat de ne pas promulguer la nouvelle constitution. Un appel que Faure GNASSINGBE semble avoir entendu en renvoyant le nouveau texte aux députés pour une seconde lecture.