(Société Civile Médias) – Dans quelle mesure la compétence complémentaire de la CPI renforce-t-elle ou affaiblit-elle l’efficacité de l’action judiciaire internationale dans la lutte contre l’impunité ? C’est autour de cette problématique qu’Issaka DANGNOSSI, diplomate togolais, a soutenue avec brio sa thèse de Doctorat en Droit intitulée « Compétence complémentaire et efficacité d’action de la CPI ». Un exercice qui s’est déroulé le 27 septembre dernier à l’Université Jean Moulin Lyon 3 (France) et qui lui a permis de mener une réflexion approfondie sur la manière dont la compétence complémentaire de la CPI impacte l’efficacité de ses actions dans le contexte de la justice pénale internationale. Dans le cadre de cette étude, les réflexions ont été nourries autour de deux grandes idées. La première a mis en évidence la compétence complémentaire de la CPI comme une solution adoptée par défaut tandis que la seconde s’est évertuée à démontrer comment la compétence complémentaire de la CPI est une solution déficiente et perfectible dans sa mise en œuvre.
Le choix du sujet, selon le doctorant, s’inscrit dans le prolongement de la réflexion à la suite de son mémoire de Master 2 en droit international public. Cette recherche s’est construite autour de l’objectif principal de démontrer que la compétence complémentaire, bien qu’elle soit un pilier fondamental de la CPI, constitue également un défi complexe, tant dans sa mise en œuvre que dans ses résultats concrets.
D’après Issaka DANGNOSSI, si la CPI a été conçue pour intervenir en dernier recours, sa compétence complémentaire est à l’image d’un Janus. Positivement, soutient-il, cette cour a le mérite de rendre la lutte contre l’impunité efficace lorsque l’ensemble des Etats membres de la communauté internationale joue leur partition en poursuivant, systématiquement et de bonne foi, les auteurs des crimes de guerres, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide. Toutefois, elle fragilise ladite efficacité quand les Etats refusent de poursuivre les auteurs des crimes sus évoqués tout en empêchant, au même moment, la CPI d’engager des poursuites.
Dans quelle mesure alors la compétence complémentaire de la CPI renforce-t-elle ou affaiblit-elle l’efficacité de l’action judiciaire internationale dans la lutte contre l’impunité ?
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Dans la thèse de doctorat d’Issaka DANGNOSSI, l’analyse de cette question fondamentale a soulevé plusieurs sous-questions mais essentiellement trois ont été retenues à savoir : la compétence complémentaire de la CPI vis-à-vis des juridictions nationales est-elle convenable à l’efficacité voulue au service de la justice pénale internationale ? L’objectif de réguler les compétences entre les juridictions nationales et la CPI est-il finalement atteint ou dissimule-t-il des zones d’ombre ? Quels sont les impacts de la compétence complémentaire de la CPI sur son efficacité dans la répression des crimes internationaux ?
Pour M. DANGNOSSI, le choix du mécanisme de la complémentarité s’explique par la volonté de réconcilier deux positions opposées : la souveraineté des juridictions étatiques sur les crimes internationaux qui se commettent sur leur territoire ou sur leurs ressortissants et la volonté de la communauté internationale de sanctionner les auteurs desdits crimes dans le cas où ils bénéficieraient de l’impunité sur le plan national. Et d’ajouter que le Statut de la CPI apparaît comme un texte de compromis avec des questions de recevabilité particulièrement complexes car ‘‘les négociateurs ont cherché à donner des prérogatives suffisantes à la Cour tout en essayant d’éviter de trop porter atteinte à la souveraineté des États’’.
« L’objectif de notre étude est d’aller au-delà des critiques et constats que suscite la mise en œuvre de la compétence complémentaire de la CPI vis-à-vis des juridictions nationales, et de proposer des approches de solutions aux difficultés qui se posent afin de contribuer aux améliorations nécessaires du système de complémentarité pour renforcer l’efficacité d’action de la CPI. À travers cette thèse, j’espère avoir apporté une contribution à la compréhension des forces et des faiblesses de la complémentarité de la CPI. L’une des principales conclusions que j’ai tirées est que, bien que ce principe soit fondamental pour la légitimité et l’équilibre du système de justice pénale internationale, il doit être renforcé par des mécanismes plus robustes de coopération internationale et par un soutien accru aux juridictions nationales. Dans ce cadre, la CPI, tout en étant une institution de dernier recours, doit également jouer un rôle plus proactif dans l’accompagnement des États et dans le renforcement des systèmes judiciaires nationaux », indique Issaka DANGNOSSI.
Par ailleurs, de l’analyse des fondements et enjeux de la compétence complémentaire de la CPI, le doctorant a retenu une première hypothèse selon laquelle, il s’agit d’une solution par défaut. Celui-ci soutient en effet que la mise en place de la CPI, qui est une émanation de la volonté des États, n’entraine pas la disparition des juridictions pénales nationales.
« Malgré les précautions de respect de la souveraineté des États, la CPI n’a malheureusement pas pu faire l’unanimité au sein des États dont certains sont restés indifférents tandis que d’autres la combattent parfois avec une agressivité embarrassante. La majorité des membres permanents du Conseil de sécurité, notamment les États-Unis d’Amérique, la République Populaire de Chine et la Fédération de Russie n’ont pas ratifié le Traité de Rome portant création de la CPI. Il va sans dire que le choix de la compétence complémentaire de la CPI a des enjeux juridiques et politiques importants aussi bien pour la CPI que pour les États », fait-il savoir, avant d’ajouter que la CPI n’exercera sa compétence que si les États ne veulent pas ou ne peuvent pas engager des poursuites contre les auteurs des allégations des crimes relevant de sa compétence.
Quant aux États, poursuit M. DANGNOSSI, le choix de la compétence complémentaire implique pour eux le devoir de poursuite en premier lieu sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide et le crime d’agression. À cette fin, les États doivent prendre les dispositions juridiques appropriées pour aligner leurs législations pénales sur les standards du Statut de Rome de la CPI et sont tenus à une obligation générale de coopération avec la Cour au cas où cette dernière constate leur défaillance et veut engager des enquêtes et poursuites.
La seconde hypothèse émanant de l’analyse des fondements et enjeux de la compétence complémentaire de la CPI est que la compétence complémentaire est une solution déficiente dans sa mise en œuvre. Selon le travail effectué par Issaka DANGNOSSI via sa thèse de doctorat, contrairement aux attentes, non seulement les États s’opposent aux poursuites sur le plan national, mais ils s’opposent également à l’exercice même de la compétence par la CPI quand celle-ci doit et veut prendre la relève.
« Un nécessaire réaménagement du Traité fondateur de la CPI nous semble donc souhaitable pour permettre à cette dernière de s’acquitter de sa mission de lutte contre l’impunité des crimes graves touchant la conscience de l’humanité », propose-t-il.
La soutenance, il faut le rappeler, a connu entre autres, la présence effective du chargé d’affaire du Togo auprès de la France, de l’ambassadeur permanent et plénipotentiaire du Togo auprès de l’UNESCO et de l’OIF et de l’ambassadeur adjoint de la mission permanente du Togo auprès des Nations Unies à Genève.
Qui est ISSAKA DANGNOSSI ?
Issaka DANGNOSSI est actuellement Administrateur aux affaires politiques au cabinet de l’Adjointe au Représentant Spécial du Secrétaire General des Nations Unies et chef de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo. L’impétrant cumule près 14 années d’expérience professionnelle, dont 11 années dans trois missions de maintien de la paix des Nations Unies, notamment la Mission multidimensionnelle des Nations Unies pour la Stabilisation en République Centrafricaine (MINUSCA), la Mission multidimensionnelle des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA) et la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO), ainsi que dans deux agences des Nations Unies dont le Bureau du Haut- Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH) et le Département de Coordination du Développement/ Système des Coordonnateurs Résidents des Nations Unies, à divers postes de responsabilité y compris en tant que haut fonctionnaire chargé de la coordination du développement et de la planification Stratégique et chef de Bureau de Coordonnateurs Résidents du Système des Nations Unies, spécialiste des droits l’homme, analyste de l’information politique, administrateur aux affaires politiques et chef de bureau a la MONUSCO.
Avant son redéploiement il y a 3 mois à Goma au Nord Kivu (à l’est de la République Démocratique du Congo), il était Fonctionnaire principal chargé de la coordination du développement et de la planification Stratégique et Chef du Bureau du Coordonnateur Résident du Système des Nations Unies Niger. Avant le Niger, M. DANGNOSSI occupait également les fonctions de Chef de Bureau, Fonctionnaire principal chargé de la coordination du développement et de la planification Stratégique au sein du Bureau du Coordonnateur Résident du Système des Nations Unies à Aden, Yémen.
Sur le plan académique, Issaka DANGNOSSI est titulaire d’une maîtrise en « sciences politiques et relations internationales » de l’Université d’Abomey Calavi (Bénin), d’un master II recherche en « droit international public » de l’Université Jean Moulin Lyon 3, et d’un master II professionnel en « pratiques des organisations internationales et protection des droits de l’homme » de l’Institut des Droits de l’Homme de l’Université catholique de Lyon, diplôme conventionné avec le Master II en « Théorie et Pratique des Droits de l’Homme » de L’Université Pierre-Mendès-France de Grenoble II.