TOGO : Genèse, objectifs, retombées et nouveautés de la 6e édition, Essossiname TAGNAMI lève le voile sur le Forum Harmattan

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(Société Civile Médias) – Espace incontournable pour le débat sur la migration, le Forum Harmattan, initié par la Clinique d’Expertise Juridique et Sociale (CEJUS), s’est imposé depuis sept ans comme une plateforme annuelle de réflexion rassemblant experts, jeunes, ainsi que des acteurs nationaux et internationaux, afin de débattre des enjeux migratoires et des solutions possibles. À l’approche de sa sixième édition, prévue du 19 au 21 février 2025 à Lomé, Essossiname TAGNAMI (photo), Directeur exécutif adjoint de la CEJUS et président du comité d’organisation, retrace l’histoire de ce Forum. Dans l’entretien qui suit, il en expose les objectifs et les retombées, et évoque les nouveautés introduites dans l’édition 2025. À lire avec attention.

Pourriez-vous nous présenter le Forum Harmattan et nous expliquer les raisons qui ont conduit à la création de cette initiative ?

Le Forum Harmattan trouve son origine dans une initiative des jeunes stagiaires que la CEJUS avait accueillis il y a quelques années. Il convient de souligner qu’une des exigences de la CEJUS envers ses stagiaires est l’obligation pour ces derniers d’élaborer un projet de stage. Ainsi, dans le cadre de leur stage, ces jeunes ont proposé l’idée du Forum, laquelle s’est concrétisée sous le nom de ‘‘Forum Harmattan’’.

L’aventure a débuté modestement avec une première édition en 2018. Toutefois, après cette première édition, le forum a connu une période de suspension. C’est durant la pandémie de COVID que l’idée de relancer la dynamique du forum a pris forme. Entre 2018 et 2020, une petite pause a été observée. Cependant, en 2020, en pleine crise sanitaire, le Forum Harmattan a été revitalisé. Dès lors, il n’a plus été aussi modeste qu’à ses débuts, s’internationalisant par rapport à sa première édition, qui était de portée nationale.

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Essossiname TAGNAMI lors de sa communication à la 5e édition du Forum.

C’est à partir de la deuxième édition que le forum s’est orienté plus particulièrement vers les questions migratoires. De ce fait, des intervenants issus d’autres continents et d’autres pays ont enrichi les débats. Le forum a alors été organisé à la fois en présentiel et en distanciel. Depuis 2020, cette rencontre annuelle permet de discuter de la problématique complexe de la migration. Cependant, en 2024, il n’a pas eu lieu en raison de la célébration du dixième anniversaire de la CEJUS en 2025. Après mûre réflexion, il nous est apparu pertinent de déplacer le forum, traditionnellement organisé en novembre, pour l’adapter aux festivités des 10 ans de la CEJUS. Ainsi, la sixième édition du Forum Harmattan s’inscrit aujourd’hui dans le cadre de cette célébration des 10 ans de la CEJUS.

Quels sont les objectifs principaux poursuivis à travers l’organisation du Forum Harmattan ?

Comme vous pouvez le constater, le forum s’est progressivement focalisé sur les questions migratoires. Nous avons estimé qu’il était nécessaire de créer un cadre universitaire et scientifique propice à la discussion autour de cette thématique, aussi cruciale que les migrations. En effet, les migrations représentent un problème d’actualité non seulement pour le Togo, mais à l’échelle mondiale. Il s’agit d’une problématique universelle, affectant particulièrement la jeunesse et engendrant des conséquences dramatiques. Il n’est pas une année, ni un moment, où les médias ne rapportent le nombre tragique de jeunes perdant la vie en traversant la Méditerranée, ceux qui subissent des abus dans divers pays ou encore ceux qui sont exploités à travers le monde. Nous avons également accès à des témoignages sur les réseaux sociaux relatant des situations de personnes réduites en esclavage dans certains pays.

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Tous ces éléments, en plus de notre engagement auprès des personnes vulnérables, ont motivé la création d’un cadre scientifique pour débattre de ce problème et inciter à la proposition de solutions. C’est ainsi que nous avons concentré le Forum autour de la question des migrations. Il s’agit pour nous de travailler activement à la réduction des migrations irrégulières, qui sont celles qui alimentent les images dramatiques que nous voyons dans les médias. De plus, étant donné que les migrations irrégulières sont souvent le résultat du désir de l’homme de rechercher un mieux-être, l’un des objectifs du Forum Harmattan est également d’explorer les solutions internes pour les jeunes qui quittent leur pays. Car si ces derniers trouvent des solutions viables dans leur propre pays, ils n’auront pas à envisager l’exil.

Ici, des images de la 4e édition du Forum Harmattan

Un autre aspect crucial est de créer un espace de sensibilisation, afin que les individus soient mieux informés des conditions régissant une migration régulière. En effet, c’est souvent par manque d’information sur les modalités d’une migration légale que beaucoup choisissent de s’engager dans la voie risquée de la migration irrégulière.

Cependant, une seule entité ne peut mener cette tâche. C’est pourquoi il nous a paru indispensable de mettre en place un cadre où divers acteurs, issus de différents secteurs et horizons, puissent se rencontrer, échanger et partager des visions convergentes, afin de formuler des recommandations solides et réalistes.

On remarque un fort engouement des jeunes pour ce Forum ?

Oui nous mobilisons les jeunes autour du forum et nous faisons tout pour qu’ils y soient. C’est en moyenne 300 jeunes en présentiel et beaucoup d’autres en distanciel.  

Après cinq éditions, et la sixième bientôt, quel a été l’impact réel du Forum Harmattan depuis la première édition ?

Il convient d’évaluer l’impact du Forum en fonction de l’intérêt qu’il a généré. Comme nous l’avons mentionné précédemment, la première édition était de portée nationale. Dès la deuxième édition, le Forum s’est internationalisé, ce qui témoigne de l’intérêt croissant pour la question migratoire.

Au-delà de cet aspect, le Forum a également créé un espace propice pour certains acteurs disposant d’une expertise précieuse, mais qui peinaient à trouver des occasions de la partager. Le Forum leur a offert cette plateforme, leur permettant ainsi de transmettre leur savoir-faire et leur expérience.

Du côté de la jeunesse, il est important de souligner que, dans le cadre du Forum Harmattan, nous proposons différents types de panels, dont un en particulier qui invite des personnalités ayant des modèles inspirants à offrir aux jeunes. Les retours que nous recevons à la suite de ces interventions sont nombreux et souvent positifs. De nombreux jeunes trouvent dans les communications des modèles auxquels s’identifier, et certains en ressortent avec des idées concrètes pour des projets à développer. D’autres y découvrent des opportunités concrètes, telles que des stages ou des bourses. Si nous devions évaluer les impacts du Forum, il est évident qu’ils sont considérables et significatifs.

Un panel lors de la cinquième édition du Forum Harmattan.

Le Forum continue d’étendre son influence, et ses effets se multiplient au fil du temps. Plus les années passent, plus il devient connu, et ce, non seulement au Togo, mais au-delà de ses frontières. Cela suscite chaque année de nouveaux intérêts et renforce l’attrait du Forum.

Pour cette sixième édition, est-ce que nous pouvons avoir un aperçu du sujet central ?

Pour cette sixième édition, le thème du forum est : « Les migrations au rendez-vous du développement durable : garantir la dignité humaine, l’inclusion des jeunes et des femmes ». L’objectif est d’aborder les migrations dans une perspective de développement durable, en tenant compte de plusieurs éléments clés. En premier lieu, la dignité humaine, qui doit impérativement être préservée, car dans le cadre des processus migratoires, cette dignité est fréquemment mise en péril, notamment lorsqu’il s’agit de migrations irrégulières.

Ensuite, il y a la question de la place des femmes, qui mérite d’être interrogée, étant donné qu’on parle de plus en plus de la féminisation des migrations. Autrement dit, les femmes sont de plus en plus impliquées dans les dynamiques migratoires. C’est pourquoi nous avons invité des experts pour qu’ils nous exposent des analyses sur la situation des femmes migrantes, et, si possible, nous fournissent des données statistiques sur le sujet. Il est impératif de réfléchir sur les mesures à prendre pour assurer une protection particulière des femmes dans le cadre de ces migrations.

Concernant les jeunes, il est important de noter que lorsqu’ils évoluent dans un environnement où les perspectives d’avenir sont limitées, ils envisagent souvent de partir. Mais dans quelles conditions quittent-ils leur pays ? C’est là tout le défi. Nous ne pouvons empêcher les jeunes de migrer, mais nous devons nous assurer qu’ils le fassent dans les meilleures conditions possibles. Parallèlement, il est crucial d’offrir des opportunités et des conditions favorables pour ceux qui choisissent de rester, afin que leur départ ne soit pas perçu comme une nécessité imposée. Cela nous invite à réfléchir sur les politiques publiques à mettre en place, à comprendre ce qui intéresse les jeunes, ce qu’ils recherchent en partant, et ce qui leur manque. Mais pour parvenir à des solutions pertinentes, il est nécessaire de confronter les visions des experts locaux et internationaux. Ce croisement des savoirs permettra de définir des politiques publiques capables de créer des conditions propices pour les jeunes dans leur propre pays. L’enjeu est donc de trouver des moyens pour que ceux qui souhaitent rester puissent le faire dans des conditions favorables, et que ceux qui souhaitent migrer puissent le faire de manière régulière et encadrée. C’est pour cette raison que les jeunes et les femmes occupent une place centrale dans le thème de cette édition du forum.

Quelles sont les innovations introduites cette année, et en quoi diffèrent-elles des éditions précédentes ?

Chaque année, nous nous efforçons d’apporter un peu d’innovation au forum. Pour cette sixième édition, par exemple, nous avons introduit le concept du village du forum. Ce village réunira certains de nos partenaires, qui viendront exposer leurs produits et échanger avec les différents acteurs présents. Ces partenaires proposent des produits susceptibles d’intéresser particulièrement les jeunes. Parmi eux, certains œuvrent dans le domaine de l’immigration et auront l’opportunité de discuter avec les jeunes des possibilités qu’ils offrent en matière de mobilité internationale. Ils présenteront notamment des produits d’accompagnement et des solutions d’insertion socioprofessionnelle à destination des jeunes migrants. Le village du forum comprendra des stands où ces acteurs pourront, en parallèle des discussions en salle, échanger directement avec les jeunes, leur exposant les produits et services qu’ils proposent, ainsi que les lieux où ils peuvent les retrouver.

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Présentation des recommandations issues de la 3e édition du Forum.

En ce qui concerne le programme de cette année, nous avons pris en compte certaines recommandations qui nous ont été formulées lors des éditions précédentes. Il a été constaté que les communications étaient parfois denses et qu’il serait bénéfique d’alléger un peu le contenu. En réponse à cette remarque, nous avons donc ajusté le programme pour le rendre plus souple et accessible, tout en conservant la richesse des échanges.

Par ailleurs, si l’on examine le programme de cette année, il est évident que de nombreuses institutions ont été associées, notamment celles œuvrant dans le domaine de la mobilité. On y trouve ainsi des institutions étatiques françaises, ainsi qu’une institution suisse, aux côtés d’organismes nationaux. Par exemple, nous avons intégré la Coordination Nationale d’Assistance aux Réfugiés, ce qui témoigne de l’ouverture du forum à des acteurs variés et de l’innovation dans sa programmation. Ces ajouts contribuent à enrichir les échanges et à rendre le forum encore plus pertinent pour les enjeux actuels.

Un dernier mot pour conclure ?

Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à certains acteurs, notamment les médias, qui ont joué un rôle déterminant dans le succès du forum, en nous soutenant de multiples façons. Nos remerciements s’adressent également à la Faculté de droit de l’Université de Lomé, qui a toujours été un partenaire privilégié, ainsi qu’à l’université elle-même, qui nous a constamment accordé l’autorisation d’organiser le forum sur son campus. Nous souhaitons également remercier les acteurs étatiques, ainsi que tous nos partenaires, qu’ils soient issus de la société civile ou d’autres secteurs, et qui, à divers niveaux, contribuent au succès de cet événement.

Je tiens également à exprimer ma reconnaissance envers mes collègues internes qui, chaque année, se mobilisent sans relâche pour assurer la réussite du forum. Mes félicitations vont particulièrement à ceux qui ont œuvré pour garantir le succès de cette sixième édition. Enfin, je voudrais adresser un remerciement tout particulier au responsable principal de la CEJUS pour sa vision éclairée, sans laquelle cet événement n’aurait pu voir le jour.